Tournée vers le marais, au sommet d'une modeste butte dominant le confluent de l'Antenne et du Véron, l'église Saint-Pierre de Mesnac donne raison à l'abbé Nanglard, selon qui « c'est dans le voisinage des rivières et des fontaines, et à l'ombre des grands bois que se sont élevées nos églises plutôt que près des grands chemins » (BASH, 1902-3, page CIII). Le chemin étant en l'occurrence la voie Cognac-Matha.

g dcoupeUne tradition tenace prétend, sans la moindre preuve à l'appui, que l'actuel édifice serait le second construit à cet emplacement. La dédicace à saint Pierre est en effet un indice d'ancienneté et il est probable qu'on n'a pas attendu la fin du XIIe siècle pour doter le village d'une église...
En tout état de cause, celle-ci se distingue moins par son originalité ou la richesse de son décor que par la multiplicité des remaniements qu'elle a subis. À l'examiner en détail, on a le sentiment de se trouver devant un puzzle et, faute de connaissances suffisantes en architecture, je me bornerai à soulever les problèmes, espérant qu'un plus expert, découvrant les pièces du dossier, réussira à les ordonner selon une histoire logique. En attendant, le visiteur pourra s'amuser à ces quelques énigmes, voire tenter de les démêler...
Ce n'est pas une grande église : 22,2 m sur 6,85 selon Marvaud – mais Saint-Vivien de Cherves ne la dépasse que d'1,60 m en longueur et de 25 cm en largeur. C'est surtout le plan qui est élémentaire : un simple rectangle, en l'absence de transept et d'abside – comme de bas-côtés.
       portail
« Sur la façade ouvre une porte au cintre brisé, à trois voussures sur colonnes, dont les chapiteaux ornés de feuillages sont mal exécutés », note Jean George. Plus précis, Charles Connoué parle d'un « portail bas à tores et cordon de pointes de diamant (?) dont le cintre brisé s'appuie sur des colonnes très fines ; les chapiteaux ornés chacun d'une grande feuille de marronnier indiquent un art gothique débutant. »

Rien n'infirme donc le jugement de Pierre Martin-Civat, selon lequel l'église aurait été "rebâtie au XIIe siècle" – mais au XIIe siècle plutôt finissant. On peut en revanche douter de cette datation pour la partie supérieure de la façade, constitutive de ce qu'on appelle un clocher-mur : en premier lieu, la ou les traditionnelles fenêtres à colonnettes sont remplacées par un oculus tardif ; ensuite parce que le pignon habituellement triangulaire est ici à ressaut. (On pourra se livrer à d'intéressantes comparaisons grâce au site http://clochers.org/index.htm : voyez par exemple Notre-Dame d'Yviers et l' église de Saint-Simeux, reconstruites ou remaniées aux XIVe ou XVe siècles – et dotées d'un oculus...)

Les pointes de diamant ressemblent plutôt à des étoiles à huit branches, motif répertorié, et on croit deviner une tête sommant le portail.etoiles

Quant aux feuilles de marronnier, elles ne sont peut-être pas le seul élément des chapiteaux.

marronnier


1. Une église (modestement) fortifiée

Cependant, l'essentiel des remaniements a été daté du XVe siècle. Du siège d'Angoulême (1345) à la prise de Chalais (1452), les guerres anglaises et les ravages des routiers dévastèrent nos campagnes. « Les châteaux destinés à abriter les populations se raréfièrent (...) : les uns furent détruits par les Anglais, les autres démantelés après leur passage sur l'ordre du roi », écrit Charles Daras ("Les remaniements de l'architecture religieuse en Angoumois au cours de la guerre de Cent ans", MSAHC, 1959-50, pages 5-35), que nous suivrons ici. Ainsi le maréchal de Sancerre fit-il démolir le château de Jarnac en 1387. Pour se protéger à l'annonce d'une incursion, les paysans n'avaient plus que les églises, qui furent fortifiées en conséquence. Le lieutenant général Arnoul d'Audeneham avait prescrit la mesure dès 1352-1355 – et peut-être beaucoup de ces travaux sont-ils antérieurs à la date fréquemment avancée.
 
egl vue sudIls furent de plusieurs sortes :
* on encadra les églises de solides contreforts : six ici. On notera la forte pente de leur faîte, destinée à décourager toute escalade. Ces ajouts semblent avoir été relativement fréquents dans le diocèse de Saintes. C'est peut-être aussi à ce moment et pour les mêmes raisons que disparut l'abside, si son existence n'est pas une légende.
* on « suréleva les murs au-dessus des voûtes (pour) y créer des réduits improvisés appelés salles d'armes » (A. de Laborderie, "Les églises fortifiées de la Haute-Vienne", Soc. archéol. et hist. du Limousin, 1948, page 356, cité par Ch. Daras). La trace de cet exhaussement pourrait demeurer sur le mur sud, si la corniche correspond à l'entablement d'origine. Dans certaines églises, le mur surélevé était percé, à son sommet, d'ouvertures sans linteau – une sorte de crénelage, abritant un chemin de ronde. Il se peut que ç'ait été le cas à Mesnac et qu'ensuite, la toiture ait été refaite et ces murs "goutterots" rabaissés – à moins qu'on ne se soit borné à reboucher ces trous, s'ils ont existé. Le refuge au-dessus des voûtes est un peu bas "de plafond" aujourd'hui, mais, outre que la charpente a probablement été refaite ensuite, il faut bien voir que les actuelles voûtes montent probablement plus haut que les anciennes, qu'elles aient été en berceau ou en coupoles.
* surtout, pour accéder à ce refuge, on a construit une tour d'escalier percée de deux meurtrières, dont l'une, cruciforme, est une archère à viseur (voir les exemples des châteaux de Bonneval ou de Beersel) signalée par Daras... Peut-être cette "tour" servait-elle aussi de tour de guet avant d'être décapitée ou, au contraire, rehaussée. Les marches sont fort usées et certains ont voulu y voir la preuve que le refuge avait beaucoup servi...

Là aussi, la comparaison avec Saint-Simeux peut être éclairante : on y trouve, outre de gros contreforts aux angles, "accolée au mur sud, une ancienne cage d'escalier carrée se termin(ant) en tour de guet" – et détachée du clocher (Charles Connoué, Les églises de Saintonge, IV, pages 144 et planche 57). Voir aussi la tour qui flanque l'église de Villars-les-Bois.
 

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L'archère, vue de l'intérieur de la cage d'escalier

On notera d'ailleurs, au chevet, une ouverture quadrangulaire – qui pourrait avoir permis de surveiller les arrières de l'église – ainsi que des différences d'appareil et une corniche peut-être révélatrices d'un exhaussement. Il y aurait eu à l'origine une abside semi-circulaire,remplacée par ce chevet plat. Plus basses que le reste des églises, les absides risquaient en effet de donner accès au toit.

egl arriere

 


2. Une simplicité très remaniée : essayez donc de reconstituer la chronologie des fenêtres !

Si l'on compare les fenêtres de l'édifice, on risque d'y perdre son latin : aucune n'est identique à une autre.

fen choeur nord

Chœur nord

fen sud2

Chœur sud

fen sud1

Deuxième travée sud

 porte des morts

Deuxième travée nord

 

Sur le côté nord, la première, à hauteur du choeur, comporte un cordon si proche de celui du portail qu'on peut les supposer contemporains. Mais, si l'on passe de l'autre côté, on trouve la trace d'une fenêtre rectangulaire, au linteau vaguement en accolade. La baie actuelle copie son pendant, mais n'est qu'une ouverture, sans élément de décoration, hormis la trace d'un cordon.
Or l'autre fenêtre sud, proche de la tour d'escalier, semble avoir eu une histoire exactement inverse : une ouverture haute, étroite et en tiers point, similaire à ce dernier détail près aux fenêtres du nord (avec peut-être le même cordon) a été remplacée par une fenêtre au cadre quasiment rectangulaire, au linteau en accolade mais dont l'ébrasement rattrape un arrondi.
Au niveau de la deuxième travée, la fenêtre nord copie vaguement sa voisine du choeur, mais elle est décalée en hauteur et d'apparence plus moderne, en tout cas moins travaillée. Il est vrai qu'elle a été ouverte au-dessus d'une porte murée, si basse d'ailleurs que le sol semble avoir été surélevé : s'agissait-il d'une porte des morts, qui n'était faite que pour livrer passage au cadavre ? Ou bien donnait-elle sur un bâtiment du prieuré, la fenêtre n'ayant été percée qu'une fois celui-ci détruit ?

Restent les trois fenêtres du fond du choeur, vaguement réminiscentes de la fenêtre nord "moderne"...
Ce triplet rappelle ceux des églises templières. Si l'on ajoute la ressemblance entre le clocher-mur et celui de Châteaubernard, peut-être pourrait-on supposer l'intervention, lors de la réfection, d'un architecte "sous influence", mais sans pour autant avoir à faire intervenir les Templiers... De toute façon, ces ouvertures ne peuvent qu'être postérieures à la destruction de l'abside, si celle-ci a existé.

murbruleD'autre part, datés du XIIe siècle, les modillons de la première travée, privés de leur corniche, se trouvent à un emplacement étrange : sur un mur extérieur, et nu. Celui-ci porte d'ailleurs les traces très visibles d'importantes et multiples réparations et l'on perçoit un rougeoiement qui n'est probablement pas dû à mon logiciel photo (il n'a produit rien de tel ailleurs) : est-ce la trace d'un incendie ? Les modillons ont-ils été déplacés lors d'une reconstruction partielle ? Mais il serait assez étrange qu'on les ait installés à l'extérieur de l'église, sans protection. Alors ce mur donnait-il dans un bâtiment du prieuré (voir le dossier consacré aux desservants), détruit peut-être avant l'érection des contreforts – autrement dit pendant la guerre de Cent ans ?

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 (On trouvera de meilleure photos sur le site de l'Inventaire du patrimoine).

3. La disparition des coupoles

L'intérieur frappe par son aspect sulpicien – statues de plâtre, voûte étoilée du choeur – et l'Inventaire du Patrimoine mentionne des éléments de mobilier datés des années 1890 : outre les verrières (représentant les saints Paul, Pierre et Ausone), un autel de la Vierge et des fonts baptismaux. Tout cela reviendra peut-être à la mode un jour...
Les voûtes d'arête semblent homogènes. C'est pourtant là que se pose un nouveau problème, et de taille : y a-t-il eu ou non des coupoles comme à Cherves ?
Pierre Martin-Civat a ironisé : « L'on peut se demander où le savant abbé Nanglard a vu deux coupoles à Saint-Pierre de Mesnac. Y vint-il jamais ? Nous en pouvons douter. » Pour lui, la nef a été « tout d'abord voûtée en berceau ». Même avis de Jean George : « La nef, de deux travées, qui était voûtée en berceau, avec doubleau à deux rouleaux reçus par des colonnes sur dosserets, est couverte, depuis le XVe siècle, d'une voûte d'ogives avec formerets et liernes ; les doubleaux sont en arc brisé et utilisent les supports du XIIe siècle. Le chœur rectangulaire, précédé d'un grand arc partant de piles semblables à celles de la nef, est couvert de la même manière, avec consoles dans les angles. » Quant à René Chappuis ("Eglises romanes françaises comportant plusieurs coupoles", Mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, 1968, note 3, p. 115), il écrit : « Cette église rectangulaire de trois travées, actuellement voûtée d'ogives, ne comporte de piliers susceptibles d'avoir porté une coupole que dans sa travée centrale. Aux deux extrémités Est et Ouest, on ne trouve que des consoles tout à fait insuffisantes pour avoir porté des coupoles. »

 

Charles Connoué est plus prudent : l'église « a perdu ses anciennes voûtes et son abside semi-circulaire, les unes remplacées par une couverture sur nervures et l'autre par un chevet plat. La nef à deux travées et le choeur ont conservé des colonnes romanes adossées à des pilastres, surmontées de chapiteaux la plupart nus, quelques-uns ornés de feuillages, de torsades et de têtes humaines aux angles. »
Alors, coupoles ou voûtes en berceau ? L'abbé Nanglard, entre 1890 et 1904, a peut-être recopié les archives du diocèse, mais il existe plusieurs sources qui, auparavant, faisaient état de coupoles et sur lesquelles il semble difficile de faire l'impasse :
* la Statistique monumentale de la Charente (1844) de l'abbé Michon : « Nef à deux coupoles dans le genre de celle de Cherve[s]. Le reste de l'église est lambrissé. » (page 315)
* "Observations sur l'origine et le caractère de l'architecture romane", de Z. Rivaud, in BSAHC de 1850, pages 149-160 : «les églises dont les noms suivent, situées dans le diocèse d'Angoulême, sont des églises à coupoles : Saint-Pierre d'Angoulême, l'église abbatiale de Chastres, les églises de Roullet, Gensac, Cherves, Cognac, Bourg-Charente, Fléac, Péreuil, Gourville, Mesnac. C'est à peu près tout ce que le département de la Charente renferme d'édifices auxquels on peut appliquer la qualification de byzantins... » (pages 157-8)
* Charles Chancel faisant la recension (BSAHC, 1851-52, page 22) de L'architecture byzantine en France, de Félix de Verneilh (Didron, 1851) : «(L'auteur) vient ainsi porter ses consciencieuses investigations dans notre cathédrale de Saint-Pierre d'Angoulême, dans l'église Saint-Liguaire de Cognac, en prenant occasion de remarquer les groupes que forment autour de ces deux types principaux les églises de Fléac, de Roullet, de Péreuil, du Peyrat, de Cherves, de Bourg-Charente, de Gensac, de Mesnac et de Chastres».
* La Charente, répertoire archéologique du département de François Marvaud (1861, page 282) : «plan en carré long avec deux coupoles ; arcs doubleaux ogivés ; piliers carrés massifs ; voûtes en lambris ; corniche étoilée à l'intérieur de la nef.»
* les Chroniques de l'Angoumois occidental de P. Lacroix (éd. de 1876, page 116) : «église (...) dont le plan forme un carré long avec deux coupoles. Les arcs doubleaux sont fortement ogivés et une corniche étoilée est à l'intérieur de la nef.»
J'admets que Lacroix a vraisemblablement recopié Marvaud et Verneilh, selon son commentateur, a emprunté beaucoup à Michon.

Pour brouiller encore davantage les cartes, il y a hésitation sur la date à laquelle les voûtes primitives de la nef ont été remplacées. J. George et le bulletin paroissial Ensemble de 1983 la situent au XVe siècle. Mais les notices de Michon et de Marvaud obligeraient à la placer vers 1850, date à laquelle, selon l'Indicateur du Patrimoine, elle fut revoûtée avant d'être « à nouveau restaurée en 1894 par l'entrepreneur François Croizard, sous la direction de l'architecte Isidore Brunetaud » – en revanche, les indications de Rivaud sont moins déterminantes, puisqu'il cite Cognac : les coupoles de Saint-Léger ayant disparu au XVe siècle, il énumère les églises dont on sait qu'elles ont eu des coupoles. Simplement, les archives sur Cognac sont plus fournies que celles consacrées à Mesnac et, pour les villages, sa liste pourrait donc bien être celle des églises conservant leurs coupoles dans les années 1850...

Il faudrait d'autre part supposer, courant dans la nef, une corniche décorée d'étoiles (comme le cordon du portail ?). Enfin, on ignore tout de la voûte du choeur, simplement "lambrissée" (depuis le XVe siècle ?) à l'époque de Michon et, d'après Ensemble, construite à une époque récente en brique. S'était-elle effondrée ?

Quelques-uns des chapiteaux (voir aussi le dossier de l'Inventaire) :

chapiteau1 chapiteau2 chapiteau3


Un escalier de pierres usées s'ouvre à peu près à un mètre du sol, à droite, conduisant aux "combles" et à la cloche – j'en déconseille toutefois l'usage : cela suppose une gymnastique dangereuse et la fragilité des voûtes interdit des visites trop nombreuses. Il ne faudrait pas non plus déranger la chouette qui fait usage des lieux...


4. La cloche

"Le" monument historique de Mesnac, mais si peu visible et si rarement entendu...

C'est la seule partie classée de l'église (depuis 1943 !), et il est vrai que les cloches du XVIe siècle sont relativement rares en Charente (voir l'article de D. Touzaud, accessible sur le site d'André Balout) : la plupart furent enlevées par les Protestants, pour servir à leur culte ou pour être fondues. Cela explique la date de la nôtre : 1597. Peut-être victime de la même razzia, Saint-Sulpice avait baptisé la sienne en 1595. Toutes deux seraient à ajouter aux 18 recensées par D. Touzaud.
clocherLe clocher-mur a-t-il été édifié pour abriter cette nouvelle cloche, en attendant une deuxième ? On aurait ensuite renoncé à avoir la paire et l'on aurait bouché la baie vide et réduit l'ouverture de la première, pour des raisons d'acoustique peut-être (mais à Châteaubernard par exemple, ces baies sont restées telles quelles). Toutefois il existe aussi un décret de juillet 1793 qui a confisqué aux églises leur deuxième cloche et le curé Bertrand était plus que vraisemblablement un curé "constitutionnel"...

Pour décrire notre cloche, je laisserai la parole à l'auteur anonyme de l'article paru en 1983 dans le journal paroissial Ensemble, qui n'a vraisemblablement fait que recopier l'ouvrage consacré aux cloches par l'abbé Nanglard :

"Cette cloche porte trois rangées d'inscriptions, une enclave et onze médaillons gravés, le tout occupant un bon sixième de sa surface. 

clocheAu sommet du cuveau, il y a bien sûr les anses mais avec quelque chose de particulier : entre les anses proprement dites, il y a comme deux doigts qui prennent appui sur les faces du joug.
Partant du sommet, au premier rang, on lit : JESUS (une croix sur pied dans un petit médaillon) DEO GRATIAS HOMINIBUS FACTA – POUR L'EGLISE ST-PIERRE DE MESNAC- 1597.
Deuxième rang : une série de lettres entre points : I. N. B. M. N. R. H. T. I, une main index pointé, puis : PARAIN CHARLES CHESNEL ECUYER SR. DEL. A. CHATEAU DE REAULX.
Troisième rang : une main index pointé, puis : MARAINE FRANCOISE FILLE DE GOFROY MAR SR DE GRAVELOUR. PIERRE BRANDY I BLOIS
En enclave et superposés : (1) G. LE CHAMBRIER (2) P. DV.DIOCESE (3) DE CHARTRES B.

blasonPour les gravures, regardant l'ouest dans un rectangle de 6 x 4 cm et sous un dais : le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean. En dessous, dans un carré de 2 x 2 cm, le monogramme du Christ, IHS. Plus bas, un médaillon ovale, écartelé, avec personnages en figures et des inscriptions sur la bande qui est en bordure. La gravure semble très fine, mais il faudrait un sérieux nettoyage pour la rendre lisible.
Regardant le nord, dans un cadre 4 x 4 cm, saint Michel terrassant le démon.
Regardant le sud-est, dans un rectangle de 6 x 4 cm et sous un dais : une Vierge à l'enfant assise. L'enfant est nimbé et la Vierge en cheveux. En dessous, un écu composé de 4,5 x 4,5 cm à pointe triangulaire. Partie dextre, en chef, une roue à aubes (6 rayons et 6 aubes). En pointe, une partie de roue à aubes avec le moyeu, 4 rayons et 4 aubes. Sénestre avec trois faces représentant chacune une rivière. En dessous encore, un médaillon de 4 x 4 cm avec des lettres entrelacées : S O R, réunies en dessous et en dessus et dans l'axe de la lettre S par des barres dont celle du dessus et celle du dessous sont plus importantes ? Tout en bas, un tout petit écu à pointe triangulaire, illisible.
Regardant le nord-est, dans un cadre de 6 x 4 cm et sous un dais : une Pièta. En dessous, un médaillon dentelé avec des lettres en croix : D. N. (à l'envers) L. P., et au centre un I ou un J.
Regardant le sud, dans un cadre de 6 x 4 cm, un personnage en toge - peut-être saint Pierre ?"

Je n'ai pu vérifier l'ensemble des inscriptions, qui n'ont pu être transcrites aussi complètement qu'à un moment où la cloche avait été déposée. Je me demande cependant si, s'agissant du parrain, le texte ne serait pas plutôt : ECUYER SR DE LA CH[âtellenie] DE REAULX. Quoi qu'il en soit, le personnage est connu : c'est Charles-Roch Chesnel, âgé alors de 17 ans mais déjà seigneur de Mesnac et Cherves, ayant perdu son père en bas âge. C'est lui qui fera construire Château-Chesnel. Quant à la série d'initiales, j'avais pensé que les premières pouvaient être lues "In nomine Beatae Mariae...", mais, outre que cela n'éclairait pas la suite, l'Inventaire en donne une autre lecture tout en les plaçant après REAULX.

Mais qui est donc Françoise de Grand-Velours, la marraine ?
grandveloursPour la marraine, deux rectifications s'imposent. Il faut d'abord lire EMAR au lieu de MAR – comme l'a d'ailleurs vu l'abbé Nanglard. Et ensuite, GRANDVELOURS, non GRAVELOUR. On peut alors trouver trace du père, pour commencer. Beauchet-Filleau consacre en effet une notice à Geoffroy AYMAR : « Ec., sgr de Grandvelours, la Fouillandrie, Grands-Ormeaux (Craon), fit accord, le 19 février 1600, avec René de la Motte et Joseph de la Motte, mari de Charlotte de Loubeau ; rendit foi et hommage à Jeanne de Saulx, dame de Mortemar et Vivonne, pour sa terre de la Fouillandrie, près du Fouilloux. Il se maria deux fois, d'abord avec Anne d'Allery (sans doute fille du sr de la Revétizon), puis avec Françoise Gendrot, fille de René, éc., sr des Grands-Ormeaux, et de Jeanne de Luces. Il eut du premier lit : 1° Esther, mariée avant 1596 à Pierre d'Auzy, sr de Lussaudière [à Prailles, dans les Deux-Sèvres] ; du deuxième mariage : 2° René [qui fit aveu des trois mêmes fiefs en 1612 et 1619, épousa en 1624 Jacquette Aymer, f. de Louis, sr de Brouilhon ; sans postérité connue] ; 3° Catherine, dame de Grand-Velours, mariée à Jacques, sr du Chilleau (Vasles, Deux-Sèvres), dont elle était veuve en 1657. »
Le père et le grand-père de ce Geoffroy étaient seigneurs de la Roche-Quentin, issus des Aymard seigneurs de la Roche-aux-Enfants et du Fouilloux, en Gâtine.
Le même Beauchet-Filleau mentionne aussi une Françoise Aymar qui pourrait être la nôtre : "religieuse à l'abbaye de Sainte-Croix de Poitiers, était sous-portière de ce monastère en 1620, et signe en cette qualité l'authentique du crâne de sainte Radegonde avec les autres dignitaires (M. A. O., 1881, 250)." Cependant, X. Barbier de Montault a donné, dans le premier numéro de sa Revue d'archéologie poitevine (1898, pages 281-283) un "Inventaire de la Fouillandrie en 1593", tiré du chartrier du Chilleau, qui apporte des lumières supplémentaires. Geoffroy Aymar, qui "faict à présant sa demeure... au dict lieu noble du Grand Vellour" (une note de l'auteur précise qu'il ne s'agit plus que d'une ferme de la commune de Verger-sur-Dive), a fait apporter là les meubles de la Fouillandrie ("ferme, commune de Marigny-Chemerault. Ancien fief relevant de Bellefontaine") afin de les partager entre "damoyselle Ester Francoyse et Renée Aymars, filles du dict Aymar et de deffuncte damoyselle Anne d'Acheury, leur mère". Qu'il manque une virgule entre "Ester" et "Francoyse" ne serait pas plus étonnant que l'absence de "s" à "damoyselle" et l'on n'identifiera pas Françoise à Esther, l'épouse de Pierre d'Auzy, d'autant que celui-ci était protestant...

Brandy pourrait être le nom du fondeur (saintier) – mais le "I" ne se comprend guère dans cette hypothèse. S'agirait-il du graveur, "I" étant alors mis pour "incisit" ? Mais Brandy et Blois sont des noms de familles de Mesnac. Si ce sont des paroissiens qui sont mentionnés, quelle a pu être leur contribution ?
J'interpréterai enfin les derniers mots comme "G. Le Chambrier, p(rêtre) du diocèse de Chartres, (a) béni (la cloche)" – benedixit. Resterait à savoir pourquoi on ne s'en est pas remis à un ecclésiastique local : est-ce en rapport avec le choix de la marraine ?
Pour ce qui est de l'iconographie, l'Indicateur du Patrimoine suggère que le médaillon ovale pourrait représenter la résurrection du Christ. Quant au blason, il en donne une lecture plus conforme aux règles de l'héraldique : "blason mi-parti à trois roues de Sainte-Catherine et fasce de quatre pièces chargées de devises ondées". Les roues de Sainte-Catherine sont parfois brisées d'un côté mais ce qui les caractérise, c'est leur circonférence armée de fers tranchants recourbés – ce qui pourrait être le cas ici...
Dimensions de la cloche (selon l'Indicateur du Patrimoine) : 56 cm de hauteur, 59 de diamètre.
Sites consacrés à la campanologie et à l'héraldique

Le cimetière entourait l'église. On y voyait une croix avec la date « 1610 ». Entre l'église et la route, à peu près à l'emplacement du monument aux morts, se serait trouvé un carré réservé aux protestants.

Le presbytère était à l'ouest, en face de l'église. Adossé à l'Antenne, il était doté d'un puits [de l'autre côté de la route actuelle, à gauche de l'église ?]. Le Pouillé le qualifie de "médiocre" – alors que celui de Cherves, "contigu à l'église", est déclaré "très beau et bien pourvu" et que celui de Saint-Sulpice datait seulement de 1763. Mais le prieuré devait être d'une autre ampleur...