Le compte-rendu sténographique et le compte-rendu analytique sont, comme par le passé, mis à la disposition des journaux qui veulent les utiliser. C'est à titre gracieux qu'ils le peuvent prendre, mais c'est tout, [sic]

Il serait injuste de ne point reconnaître le soin qui préside à la confection de ces comptes-rendus.

Le service sténographique est composé de dix sténographes rouleurs et de six sténographes réviseurs, plus deux chefs de service, MM. Lagache.
Les sténographes se tiennent au pied même de la tribune et se remplacent de deux minutes en deux minutes.
Ils se retirent ensuite dans une salle qui leur est affectée et transcrivent la partie du discours qu'ils ont prise. Cette transcription est immédiatement envoyée à la composition du Journal Officiel.
Le service est si bien organisé et il marche avec tant de régularité et de rapidité que l'orateur, lorsqu'il descend de la tribune, peut commencer à revoir les épreuves de la première partie de son discours. Pendant cette révision les épreuves de la dernière partie arrivent. Il n'y a aucune perte de temps.

Il en est de même pour le service du compte-rendu analytique qui comprend neuf secrétaires rédacteurs, deux sous-chefs et un chef, M. Maurel-Dupeyré.
Les sténographes prennent la lettre du discours, les secrétaires rédacteurs n'en prennent que l'esprit – au figuré toujours, au propre s'il y en a.
Ce sont des hommes exercés, d'une habileté consommée. Ils font preuve d'une impartialité remarquable dans ce travail si délicat, et donnent à chaque discours une étendue égale, ou plus justement proportionnelle, non à son importance, mais à sa durée.
Ces deux comptes-rendus sont composés simultanément au Journal Officiel. Si bien qu'à la fin de la séance les journaux ont à leur disposition le compte-rendu in extenso et le compte-rendu analytique de la première moitié de la séance. Une heure après, ils peuvent avoir le tout.

Les orateurs ont le droit de revoir leur discours. Mais ils ne peuvent retoucher que la forme et nullement le fond.
On se souvient du jour où M. Émile Ollivier éprouva le besoin de dire au pays qu'il déclarait la guerre d'un coeur léger. Lorsqu'il vit l'impression que ce mot produisait, il voulut, en descendant de la tribune, le faire supprimer au Journal Officiel. Mais, malgré qu'il fût premier ministre, il vit sa volonté échouer devant la conscience des rédacteurs des comptes-rendus.
La marmite aux lois : monographie de l'Assemblée de Versailles, 1871-73, par Asmodée [Edm. Dutemple], pages 130-132.



ARRÊTÉS concernant les comptes rendus des séances publiques de la Chambre


Arrêté, du 11  décembre 1879,  CONCERNANT LES COMPTES RENDUS ANALYTIQUE ET SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA CHAMBRE.

  ART. 1. Un compte-rendu analytique, dont l'étendue sera de quatre colonnes et demie du format des grands journaux, sera mis chaque jour et gratuitement à la disposition des journaux de Paris et des départements.
  ART. 2. Les journaux de Paris pourront faire réclamer ce compte-rendu, soit au cours même de la séance, au Palais-Bourbon, où il leur sera livré par épreuves successives, soit à partir de neuf heures du soir, dans un local désigné par MM. les questeurs, après avis du syndicat de la presse.
  Le compte-rendu analytique sera adressé par les courriers du soir aux journaux des départements qui en auront fait la demande.
  Il sera adressé également, dans la soirée, à tous les députés et à tous les sénateurs.
  ART. 3. Le chef des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des députés continuera à faire faire, indépendamment du compte-rendu analytique, un compte-rendu sommaire, qui sera transmis par voie télégraphique au président de la République, au Sénat et au syndicat de la presse de Paris, au cours de chaque séance.
  Dès que la transmission télégraphique aura eu lieu, le texte de ce compte-rendu sommaire sera, en outre, affiché dans une des salles du Palais-Bourbon et mis à la disposition des journalistes.


Arrêté, du 28 juillet 1881, AUTORISANT L'IMPRIMEUR DE LA CHAMBRE À METTRE LE COMPTE RENDU À LA DISPOSITION DU PUBLIC

  ART. 1. L'imprimeur de la Chambre des députés est autorisé à délivrer aux simples particuliers qui en feraient la demande des abonnements au compte-rendu analytique officiel de la Chambre.
  Il est également autorisé à mettre ce compte-rendu en vente par numéros isolés.
  ART. 2. Les mesures d'exécution seront déterminées, le prix de l'abonnement annuel et celui du numéro seront fixés par MM. les questeurs.
  ART. 3. II n'est en rien dérogé par les présentes dispositions à l'arrêté du bureau du 11 décembre 1879.


Arrêté, du 9 avril 1881,  RELATIF À LA PUBLICATION EN VOLUMES DES PLACARDS DU COMPTE RENDU ANALYTIQUE

Article unique. Les comptes-rendus analytiques des séances de la Chambre des députés seront réunis en volumes, et les volumes seront distribués au fur et à mesure de leur publication.
Chacun de ces volumes sera accompagné d'une table sommaire.


Arrêté, du 29 janvier 1880, RELATIF À LA CORRECTION DES ÉPREUVES DU COMPTE-RENDU IN EXTENSO

  ART. 1. La correction des épreuves du compte-rendu in extenso des séances de la Chambre des députés ne devra se faire qu'au Palais-Bourbon
  ART. 2. Il est expressément interdit de laisser emporter hors du palais, soit le manuscrit, soit les épreuves d'un discours. Le chef du service sténographique est chargé, sous sa responsabilité, de veiller à ce que cette mesure soit rigoureusement exécutée.

 

Arrêté, du 9 avril 1881, RELATIF À LA  PUBLICATION DES ANNALES PARLEMENTAIRES

  ART. 1. L'article 3 du règlement susvisé des 36-29 décembre 1873 est complété par l'addition suivante :
  « Le secrétaire général de la présidence a dans ses attributions la surveillance de la publication au Journal officiel et dans les Annales parlementaires des débats et documents de la Chambre.
  « Il se concerte avec les chefs des services législatifs et avec l'archiviste, tant pour éviter les réimpressions inutiles que pour assurer l'établissement des tables analytiques et sommaires au fur et à mesure de la publication des fascicules du Journal officiel ».
  ART. 2. L'article 6 du règlement précité est modifié de la manière suivante :
« Le chef du service sténographique de la Chambre est chargé de la reproduction in extenso des débats législatifs qui doivent être insérés au Journal officiel, le lendemain de chaque séance, conformément à la résolution du bureau de l'assemblée en date du 26 juin 1873 ; de la correction des épreuves de ces mêmes débats dans les Annales parlementaires ; de l'exécution, moyennant rétribution supplémentaire, des divers travaux sténographiques qui pourraient être ordonnés en dehors des séances ».

 

   Arrêté, du 4 juillet   1881,  RELATIF À LA CORRECTION, PAR LES ORATEURS, DES FEUILLETS ET DES ÉPREUVES DU COMPTE RENDU STÉNOGRAPHIQUE

  ART. 1. Les orateurs seront admis à corriger la sténographie manuscrite de leurs discours jusqu'à minuit. Après ce délai, il sera passé outre à la composition.
  ART. 2. Les orateurs ne seront admis à corriger les épreuves imprimées de leurs discours qu'après en avoir corrigé le manuscrit. La correction des épreuves devra être terminée à deux heures du matin.
Après ce délai, le chef du service sténographique donnera le bon à tirer, et il sera passé outre à la mise en pages.
 ART. 3. L'observation rigoureuse du présent arrêté est commandée au chef du service sténographique sous sa responsabilité. Dans le cas où il y serait contrevenu, le chef du service sténographique adressera un rapport à M. le président.


En 1884, dans Voyage autour de la République (p. 39-40), Paul Bosq mentionne toute une série de secrétaires-rédacteurs – dont certains n'ont fait que passer, Robert Mitchell ne laissant même pas de trace :

« Parmi les services de la Chambre, nous n'en mentionnerons qu'un seul, le compte rendu analytique, parce qu'il a un caractère tout particulier ; c'est un rendez-vous d'hommes de lettres. Son chef actuel, M. Maurel-Dupeyré, qui date de la fondation et a vu le 15 mai [1848], donne des comédies à l'Odéon. C'est là que Ludovic Halévy a fait la Belle Hélène, Barbe-Bleue et La Grande-Duchesse; les députés du second Empire trouvaient le genre un peu léger, mais il les désarmait en leur donnant des loges. Paul Dhormoys, ancien préfet, a été longtemps secrétaire-rédacteur ; c'est un des hommes qui ont été le plus mêlés, au moins comme amateurs, au mouvement politique et littéraire de ce temps. Il excelle à en raconter l'histoire et surtout les histoires. Ernest Daudet, Robert Mitchell, Adrien Marx et vingt autres ont fait partie de ce petit cénacle. On y rencontre encore aujourd'hui : Claveau, portraitiste politique devant lequel tous les hommes connus ont passé ; Ernest Boysse, amateur délicat, poète du dix-huitième siècle égaré dans le nôtre ; Gaston Bergeret, qui publie des nouvelles exquises entre deux volumes sur le mécanisme du budget ; Eugène Bonhoure, journaliste influent quoique anonyme ; Clère, biographe sérieux et consciencieux, un véritable puits de renseignements ; Léon Guillet, passé maître dans l'art des quatrains. Le banc de ces littérateurs fait face à celui des Hérisson et des Tirard, et n'en est pas autrement écrasé. "
N.B. Hérisson et Tirard, eux aussi bien oubliés aujourd'hui, furent députés et ministres.


En 1871-73, le service se compose de : Maurel-Dupeyré, chef ; Claveau et Béhaghel, sous-chefs ; Letellier, Gastineau, Boysse, Bonhoure, Lara-Minot, Bergeret, Aude, et d'un auxiliaire, Pourchel. La plupart exerçaient déjà au Corps législatif, de sorte que nous aurions pu (dû ?) nous abstenir de ménager une coupure...

On a souligné les noms des chefs du service : après Maurel-Dupeyré (1867-1889) et Anatole Claveau (1890-1903), ce furent Gaston Bergeret (1903-1910), Louis Paulian (1910-1918), Léon Guillet (1918), Gaston Barbier (1918-1921), Paul Carrier (1921-1925) et Georges Rousseau-Decelle (1925-1941?).


25. Gaston BERGERET (1840-1921)

Devenu secrétaire-rédacteur en février 1870, il poursuivit sa carrière à la Chambre des députés ; nommé chef adjoint vers 1890, il succéda à Anatole Claveau à la tête du service, de 1903 à sa retraite, prise en 1910. Est d'abord connu pour avoir publié en 1883, dans la collection "Bibliothèque parlementaire" dirigée par Eugène Pierre, Les ressources fiscales de la France. Il avait auparavant (1880) commis Mécanismes du budget de l'État et Les réformes de la législation : l'impôt sur les patentes. En 1888, il donnera des Principes de politique, essais sur l'objet, la méthode et la forme des divers gouvernements, l'organisation des peuples et les théories de la souveraineté, avec un aperçu des principales questions constitutionnelles. Un juriste et fiscaliste, soucieux de vulgarisation ? Pas seulement !

Gaston BergeretNé à Paris en 1840, il était entré à la Banque de France avec une licence de droit, mais il fut vite "saisi par le démon du journalisme".
« C'était en 1866. Je collaborais à L'Écho populaire de Lille, un des premiers journaux à un sou qui aient paru en province. Lille était le foyer d'un mouvement intense de décentralisation littéraire. Géry-Legrand, qui n'est plus aujourd'hui que sénateur et maire de Lille [sic], était alors le chef de ce mouvement, et il avait fondé l'une après l'autre une série de publications périodiques qui disparaissaient successivement sous les coups répétés de l'administration impériale, mais qui avaient fait de lui, tout jeune encore, le coryphée de l'opposition et une sorte de personnage légendaire dans la région du Nord. Nous avons travaillé ensemble à la Revue du mois [créée en 1860], qui avait peu d'abonnés, mais tous républicains de choix. Vermorel, tué depuis sur les barricades de la Commune, y écrivit quelquefois ; M. Émile Zola y a donné ses premiers Contes à Ninon. Mais au fond, Géry-Legrand et moi, sous des noms divers, fournissions presque toute la copie. Jules Janin s'y était laissé prendre et, dans la bienveillance qu'il apportait à encourager les jeunes, le prince des critiques avait consacré un feuilleton des Débats à faire l'apologie de cette petite phalange d'écrivains dont il s'était plu à esquisser les portraits, d'imagination : Hans Carvel, Faustin, Jonathan Muller et autres, sans se douter que nous étions deux seulement à porter tous ces pseudonymes. Après cette publication mensuelle, nous avions réussi à faire paraître un journal hebdomadaire, Lille-Artiste. C'était un progrès, mais Lille-Artiste n'était encore qu'un journal littéraire. Ce fut un grand jour que celui où nous eûmes enfin un cautionnement et une autorisation pour publier le Progrès du Nord, d'abord hebdomadaire, mais politique. Comme il ne suffisait pas à alimenter notre activité dévorante, le Journal populaire de Lille fut enfin créé, avec le concours de tout ce qu'il y avait de libéral dans le département, pour offrir un écoulement quotidien au débordement de nos idées. » Voir Claude Bellanger, Études de presse VI, 9 (1954), p. 8-10 notamment, et Jean-Paul Visse, La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l'Écho du Nord (1819-1944), p. 106 et suivantes.
En 1866 donc,
Bergeret eut la malencontreuse idée de soutenir dans ce journal, qui n'avait pas de cautionnement, la thèse selon laquelle « on peut avoir une morale indépendamment de toute idée religieuse », le critère de la moralité n'étant pas donné par la conscience, mais tenant à l'utilité sociale des actions. Traduit en correctionnelle, il eut une deuxième mauvaise inspiration : il voulut se défendre lui-même et, alors que la condamnation, écrite d'avance, était de huit jours de prison, il réussit à en décrocher quinze, « pour heureux effet de mon éloquence » : « L'organe du ministère public, dans le langage poncif qui est propre à cette institution, avait défendu contre mes attaques la conscience, ce phare qui éclaire les hommes. Or, dans l'article incriminé, parlant des variations de la conscience, je l'avais comparée irrévérencieusement à une girouette. Je ne manquai pas de faire le rapprochement dans ma réplique en assurant que nous étions bien près de nous entendre, M. le substitut du procureur impérial et moi, puisque le phare et la girouette sont deux objets qui tournent et qui se mettent sur les toits. » Dans quelles conditions Bergeret réussit à "s'incarcérer" à Sainte-Pélagie et comment il y passa ces quinze jours, c'est ce qu'il raconte dans la suite de cet article de la Revue bleue, écrit en 1892 au moment où cette prison fut démolie. Il vaut la peine de s'y reporter : le témoignage est à la fois nostalgique et drôle.
Bergeret et Géry Legrand ont aussi publié ensemble deux comédies : Les Grâces d'état (1865) et Les Augures (1868). Fils d’un des huit députés d’opposition élus en 1852, le second avait lui aussi fait des études de droit à Paris, où il ébaucha une carrière journalistique, collaborant à L’Illustration et à L’Artiste, et forma autour de lui « un petit groupe littéraire plus amoureux des choses de l’art, de théories sociales et d'idées nouvelles que de la science de maître Barthole » (Hippolyte Verly, Essai de biographie lilloise contemporaine, 1869). Il est probable que Bergeret appartenait à ce groupe et qu’il rejoignit ensuite Legrand à Lille où celui-ci avait été rappelé à la mort de son père, en 1859.
Le compte rendu de la "commission d'enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars" nous permet de suivre Bergeret entre Lille et la Chambre des députés : il s'y trouve en annexe (t. III, page 425) une lettre du préfet du Nord qui rectifie son précédent rapport, s'agissant des "antécédents de quelques chefs de l'insurrection". « Bergeret, général et membre de la Commune, n'a été, ni employé à la succursale de la Banque de France à Lille, ni rédacteur du Progrès du Nord. L'ancien employé, l'ancien rédacteur financier du Progrès du Nord est M. Gaston Bergeret, aujourd'hui secrétaire de M. Brame, député du Nord. » Gaston échappait là à une confusion dangereuse. Précisons que Jules Brame (1808-1878), d'une famille de sucriers et très protectionniste (mais plutôt libéral pour le reste), fut signataire de l’interpellation des 116, et très brièvement (août-septembre 1870) ministre de l'Instruction publique ; en 1871, il alla d'abord siéger au centre droit, puis dans le groupe de l'Appel au peuple tout en gardant, selon la Biographie des députés de Jules Clère, "un pied dans le camp orléaniste".

Claveau (Souvenirs, II, p. 122) mentionne Bergeret comme "le fin romancier des Événements de Pontacq". En fait, le titre exact de cette nouvelle, publiée en 1883 dans la Revue bleue (p. 162-168 et 197-205), est : Les Événements de Pontax. Nous verrons plus loin ce que dissimule cette apparente coquille de Claveau, mais nous ne saurions trop encourager le lecteur à déguster cette satire de l'administration… et des administrés !
Bergeret a également écrit : L'Album (comédie de salon en un acte, 1873) ; Dans le monde officiel (1883, reprend notamment Les événements de Pontax) ; Le quadrille des lanciers (saynète en 5 figures, 1884) ; La famille Blache (1885, "histoire passablement railleuse des évolutions d'une famille parisienne", selon L'Année littéraire) ; Provinciale et Contes modernes (1887) ; Le cousin Babylas et autres titres, dont KO SO3, roman chimique (1889) ; Nicole à Marie ("roman par lettres pour grandes jeunes filles", dit L'Année littéraire ; 1895) ; La petite Gaule (1896) ; Manuel du réactionnaire (3e édit. s. d.) ; Journal d'un nègre à l'exposition de 1900 (1901 : ses Lettres persanes !) ; L'assassinée (comédie en quatre actes, écrite en collaboration d'après une de ses nouvelles, 1904). Fréquentant le salon de Mme de Beausacq († 1899) – avec Sully-Prudhomme, Heredia, Jean Aicard, Laurent Tailhade, Pierre Loti, Eugène Mouton, etc. –, il préfaça en 1889 le Livre d'or de la comtesse Diane, recueil de "petits papiers" (jeu de questions-réponse à l'aveugle, sorte d'ancêtre des "cadavres exquis").
En dehors des Événements de Pontax, on retiendra entre autres nouvelles, dans les Contes modernes, Le roi de Carolie (un souverain absolu, s'ennuyant, travaille à se créer une opposition et essaie d'imposer à son pays un grand dessein guerrier ; il ne réussit qu'à soulever son peuple en faveur de la paix et finit par reculer, mais on sent qu'il passera le reste de sa vie à le regretter), ou encore La discussion du budget (Un jeune mari essaie de régler les dépenses de son ménage sur le modèle du budget national).

Bergeret était un ami d'Eugène Mouton, le magistrat auteur de L'invalide à la tête de bois, qui a brossé de lui ce portrait (Un demi-siècle de vie, Delagrave, 1901) :
« M. Gaston Bergeret, chef-adjoint des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des députés, est presque de notre famille : ma mère, créole de la Guadeloupe, était la marraine de la sienne*. Depuis sa naissance, nous l'avons suivi et notre mutuelle affection n'a pas cessé de s'accroître. Il est impossible de voir réunis dans une perfection aussi rare l'esprit et le bon sens, et chose non moins rare, loin d'en être troublé, cet assemblage se confirme par un penchant si marqué au paradoxe, que loin d'affaiblir ces qualités, il semble ajouté là pour en faire ressortir la valeur. Ajoutez à cela un caractère d'une bonté et d'un entêtement sans pareils, et une intelligence hors de pair pour le travail et les affaires de la vie courante, et on aura le portrait d'un ami bien précieux. Outre ces rares qualités personnelles, ses fonctions à la Chambre ont fait de lui un des plus friands causeurs qu'on puisse rencontrer dans un salon, puisque voilà tantôt trente ans qu'il écrit phrase à phrase l'histoire politique de la France, à mesure qu'elle se passe sous ses yeux, avec toute l'exactitude et toute l'impartialité d'un témoin officiel, ce qui suffirait déjà à le rendre intéressant. Mais par un penchant très fréquent d'ailleurs chez les fonctionnaires, à part un traité de politique qui a été accueilli avec joie par le monde parlementaire, c'est au roman, aux nouvelles et à la fantaisie qu'il a voué son esprit et son bon sens, et là il a créé vraiment un genre bien personnel à lui, où tout, même l'invraisemblance, est devenu une originalité inédite d'un très grand effet. Il a publié successivement douze volumes qui tous ont trouvé un grand nombre d'enthousiastes, non seulement lecteurs, mais ce qui est rarissime, éditeurs. »
• Julie-Thérèse-Constance Gérard, née en 1815. Elle avait épousé en 1837 Guillaume Bergeret, 1799-1869 – de quinze ans son aîné donc –, mais, avant que son fils ait un an, elle demanda la séparation de corps et de biens. Guillaume apparaît alors comme marchand de laines en faillite. Tout donne à croire que Gaston fut élevé par sa mère – on se gardera toutefois d’expliquer par cette rupture le fait qu’il demeura célibataire (tout en accordant souvent un traitement privilégié aux femmes dans ses nouvelles), et deux de ses ouvrages démontrent d’ailleurs une certaine fidélité à sa famille paternelle.
En effet, un certain Gaston Bergeret a publié en 1909 une Flore des Basses-Pyrénées, œuvre de son grand-père Jean, médecin à Morlaàs [sic] dont il fut aussi le maire, et professeur d'histoire naturelle à l'École centrale de Pau. Ce Gaston avait plus de piété filiale que de science botanique : une revue spécialisée regrettera qu'« au lieu de faire revivre dans une préface archaïque toutes les idées des philosophes de l'ancienne Grèce et de préconiser comme eux le plus pur panthéisme, [il] n'ait pas modernisé [cette] Flore en l'adaptant aux progrès de la Science et aux besoins actuels des botanistes. » Une réclame pour cette Flore donne l'adresse du préfacier : c'est celle du secrétaire-rédacteur Bergeret, rue Bonaparte. D'autre part, un annuaire mentionne pour celui-ci, en sus de ce domicile, une résidence secondaire : la métairie de Baragé, à Morlaàs. L’hypothèse de l’homonymie est par conséquent exclue. Or le grand-père Jean était né, en 1751, à Pontacq, également dans les Pyrénées-Atlantiques. Le Pontax que certains ont situé sur la côte normande était en fait à rechercher dans le Béarn, non loin de Lourdes ! Claveau avait involontairement vendu la mèche : le titre de ce qui passe pour le chef-d’œuvre de Bergeret procède d’une « private joke ».


26. Sextius AUDE

(1832-1905) Son père, Antoine, notaire, fut maire d'Aix de 1835 à 1848 et son frère était le "docteur Aude", médecin de marine, puis directeur du muséum de la ville. Lui n'apparaît guère dans les mémoires du temps que comme le discret secrétaire de Thiers, pour ne pas dire son domestique, chargé de faire les commissions, de surveiller la construction de l'hôtel particulier, d'apporter à la tribune le café préparé par Mme Thiers ou par Mlle Dosne. « Sextius Aude (...) un des secrétaires intimes de M. Thiers, moins haut placé dans son intendance officielle que Barthélémy Saint-Hilaire, mais plus près encore peut-être de son absolue familiarité. ( ...) M. Thiers protégea, en se l'attachant, le fils de son ancien camarade d'espièglerie. Sans le libérer de sa très étroite sujétion quotidienne, il le fit entrer dans notre service », écrit Anatole Claveau qui précise : « on l'appelait quelquefois le neveu de la maison ». Le même, toujours à propos des fonds secrets (voir notice de Behaghel), nous conte le triste destin de ce secrétaire-rédacteur qui ne resta que cinq ans, de mars 1871 à 1876.

« Deux ans plus tard, dans les jours qui précédèrent la chute de M. Thiers [mai 1873], j'eus un second renseignement sur la manière dont on utilisait quelquefois cet argent des fonds secrets. Nous avions parmi nous le secrétaire intime, pour mieux dire le factotum du président de la République, Sextius Aude, le dévouement fait homme. Son père avait été le camarade d'études de M. Thiers, et Sextius nous racontait les bonnes farces que les deux jeunes gens faisaient ensemble à la Faculté d'Aix dans les premières années de la Restauration. L'une des plus hardies fut, un beau jour, d'introduire un âne au cours de droit. Le fils, après le père, était resté l'ami, le familier de la maison, et, à ce titre, il rendait quantité de services gratuits, étant l'homme de ces missions et commissions de confiance qu'on n'ose pas rémunérer. Il avait pour M. Thiers et les siens la plus respectueuse affection. Cependant un jour il nous arriva furieux, et me prenant dans un coin : “Vous n'imaginerez jamais, me dit-il, la sottise qu'ils m'ont faite !”
Et il me raconta que, dans un petit vestibule attenant au cabinet de travail de M. Thiers, il avait rencontré Barthélemy Saint-Hilaire, très affairé, qui écrivait des noms sur des enveloppes. Il y en avait bien là une douzaine. Tout à coup, le traducteur d'Homère lui en remit une en lui disant : “Voici la vôtre !” Il l'ouvrit, croyant y trouver une invitation quelconque. Elle contenait cinq billets de mille francs qu'il rejeta bien vite sur la table, comme s'ils lui eussent brûlé les mains. Et à Barthélemy Saint-Hilaire qui insistait : “Non, dit-il, vous vous êtes trompés d'adresse !” Il ne lui pardonna jamais complètement ce qu'il considérait comme une injure.
Sextius Aude, qui avait un beau visage romain comme son nom, était non seulement un des hommes les plus honnêtes que j'aie connus, mais un modèle, un peu arriéré, de délicatesse. On le nomma, bientôt après, entreposeur des tabacs, puis Léon Say en fit un trésorier-payeur général de la Corse. Il mourut, avec le même emploi, à Montauban. C'est ainsi que M. Thiers lui paya, ou plutôt lui fit payer tant de petits services quotidiens. Je lui dus de savoir où passent quelquefois les fonds secrets. »

Selon le Mémorial d'Aix (du 19 février 1871), Aude était “secrétaire à l'Institut” lorsque Thiers lui demanda de le rejoindre à Bordeaux. Il a été nommé entrepositaire des tabacs en mai 1873, d'où une situation de cumul que l'on ne manqua pas de relever :

UN CUMULARD
Cadet Rousselle avait trois demoiselles. M. Thiers avait deux secrétaires particuliers. C’est, du reste, un luxe qui lui coûtait peu.
M. Barthélemy Saint-Hilaire n'émargeait pas. Il se trouvait suffisamment payé de son secrétariat tapageur lorsque ses lettres aux maires, aux envoyeurs de petits cadeaux, paraissaient en belle place dans les feuilles républicaines. Il vivait de gloire et de platonisme.
Son collègue, M. Aude, avait des goûts plus positifs. Jamais son nom ne brillait dans les journaux. Il faisait modestement la grosse besogne et était en quelque sorte la femme de ménage de la présidence.
Comment récompenser tant de zèle et d’humilité ?
M. Thiers, qui est malin, bien qu’il n’ait pas inventé le vaudeville, fit nommer M. Aude, secrétaire rédacteur de l’Assemblée : ci, 6 000 francs de traitement.
La somme était un peu maigre. Au prix où est le beurre depuis la République conservatrice, un honnête homme de secrétaire ne saurait vivre avec 500 francs par mois.
Hélas ! tout casse, tout passe. Les cigares mal gardés ont eu le mauvais goût de réclamer un entreposeur qui fût plus souvent à son poste que le duc d’Aumale à Besançon. De son côté, Baze, l'irascible questeur, a osé prétendre qu’un secrétaire-rédacteur de l’Assemblée devait rédiger et ne le pouvait si les tabacs réclamaient sa constante sollicitude.
Le Soir nous apprend que l’administration des finances s’est émue de la situation budgétivore que M. Thiers avait faite à son Maître Jacques.
Voilà qu’on l’accuse d’être ce que la République française et le Rappel nomment élégamment un cumulard.
Or le cumul est interdit par les règlements, et les règlements ont force de loi quand l’illustre patron de M. Aude n’est pas au pouvoir.
Il paraîtrait que l’entreposeur sera cassé aux gages — à moins que ce ne soit le secrétaire-rédacteur.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette curieuse affaire, qui a mis en émoi tout l’hôtel Bagration.
M. Thiers est indigné. Parodiant M. Adonis Crémieux, il s'est, dit-on, écrié :
— C’est un coup trop rude !
D’accord.
(Bixiou, Le Gaulois, 20 avril 1874)

L'intéressé exerça son droit de réponse trois jours plus tard :
« Je ne veux relever dans cet article que les inexactitudes qui me concernent personnellement.
C'est le bureau de l'Assemblée, et non M. Thiers, qui m'a nommé secrétaire-rédacteur aux appointements de cinq mille francs (au lieu de six mille francs), à la suite d'un concours ouvert en 1870 par le Corps législatif.
Quant au cumul, la loi l'interdit pour les appointements, mais non pour les emplois ; et sur ce point je suis en règle avec la loi.
Enfin, monsieur, l’article en question ajoute que la logique et le bon sens exigent pour les deux emplois la présence réelle et constante du titulaire. Tous ceux qui connaissent la nature de ces deux emplois vous diront que, de huit heures du matin à six heures du soir, il m'est facile de satisfaire pleinement aux exigences de la logique et du bon sens.
Cette réponse pouvant atténuer la préoccupation de l'intérêt public, qui seule a dû inspirer votre article, je vous prie de l'insérer dans votre prochain numéro. »
À quoi le journal répliqua, bien sûr, sous la plume de Paul Roche : 
« M. Sextius Aude a perdu une belle occasion de se taire. Sa lettre ne fait que confirmer les réflexions que nous avait inspirées sa situation. Elle prouve que M. Thiers, pour le rémunérer de son secrétariat, l'a nommé entreposeur des tabacs, place d'un rapport si bon que, pour la garder, il consent à ne pas toucher les 5,000 francs d'appointements revenant de droit aux secrétaires-rédacteurs de l'Assemblée.
Ce désintéressement intéressé nous touche profondément, mais il ne suffit pas à expliquer comment les tabacs de Paris peuvent être gardés par M. Aude pendant qu'il travaille à Versailles aux comptes rendus de la Chambre. La logique et le bon sens sont pleinement satisfaits, dit M. Aude : soit ! mais les tabacs ?
D'ailleurs, ce n'est pas M. Sextius Aude qui aurait dû écrire, mais M. Thiers : M. Thiers seul était attaqué.
Que M. Sextius Aude, secrétaire non payé de M. Thiers, accepte pour salaire un entrepôt de tabacs et qu'il profite même de son influence pour améliorer les situations de plusieurs membres de sa famille, c'est chose naturelle, humaine, et qu'il serait barbare de critiquer outre mesure.
Le coupable, le grand coupable, le seul coupable dans tout cela, c'est M. Thiers, qui paye les gens avec les places de l’État.
Que M. Thiers, s'il le peut, se justifie ; qu'il nous écrive : nous insérerons avec bonheur sa lettre.
Mais rien… des Barthélemy Saint-Hilaire. »

Après son départ, Aude fut d'abord percepteur à Neuilly (janvier 1876), puis T.-P. G. à Ajaccio en novembre 1878 – il s'y trouve encore en 1891. En 1895 et 1898, on le signale en Aveyron, avant une ultime nomination à Montauban.


Robert Mitchell
Robert MITCHELL en zouaveEn zouave 
(Bayonne, 1839-Paris, 1916) Il n'a dû passer que brièvement au banc des comptes rendus, on ne sait à quelle date, à supposer que P. Bosq n'ait pas fait erreur. Mais s'il dit vrai, ce serait l'un des deux seuls secrétaires-rédacteurs (l'autre étant Amédée Le Faure) qui aient suivi la trajectoire inverse de celle de Gleizal, Levasseur et Despallières.
Né d'un père anglais ou irlandais et d'une mère espagnole, il eut pour parrain don Carlos qui, commençant son exil, nomme l'enfant capitaine de son armée en déroute. Robert Mitchell débute dans le journalisme à Paris, en 1856, à la Presse théâtrale. Parti à Londres l'année suivante, il rédige en anglais la partie littéraire du journal The Atlas, dirigé par son père, entre au Constitutionnel en 1860 comme rédacteur politique et, après être passé par Le Pays, Le Nord et L'Étendard, y retourne en 1866, en repart, y revient en 1869 comme rédacteur en chef. Il se fait alors le soutien d'Émile Ollivier. En 1870, il défend des positions hostiles à la guerre mais finit par s'engager dans les zouaves de l'armée de Mac-Mahon. Fait prisonnier à Sedan, il est envoyé en Silésie.
À son retour, il fonde Le Courrier français, qui attaque violemment le gouvernement Thiers, puis passe à La Presse, où il soutient le septennat personnel. En 1874, il refuse la direction de l'imprimerie et de la librairie et achète Le Soir, dont il fait un organe bonapartiste. En 1876, il est élu député (bonapartiste) de La Réole et siège dans le groupe de l'Appel au peuple. Candidat officiel, il est réélu en 1878. « Il se fit remarquer à l'Assemblée, peu à son avantage à coup sûr, par ses interruptions bruyantes et répétées et par l'étonnante fantaisie de ses propositions. » Il ne se représenta pas en 1881, échoua aux élections de 1885 et ne revint à la Chambre qu'en 1889, comme boulangiste. Battu en 1893, il se consacra dès lors au journalisme, collaborant au Gaulois où il mena campagne contre la révision du procès Dreyfus et, plus généralement, contre la politique laïque et républicaine.
Il était le beau-frère d'Offenbach et a été proche d'Ernest Daudet.
(Sources : Dictionnaires Vapereau, Bitard ; Dictionnaire des parlementaires d'Aquitaine sous la IIIe République, de S. Guillaume et al. )


Nous n'avons pu consulter les almanachs de 1874-1875, mais les listes de 1876, 1878 et 1879, identiques à un détail près, font apparaître quatre départs (Letellier, Gastineau, Lara-Minot et Aude) pour deux arrivées seulement : Paulian et Pierre. La seule différence entre elles tient à la présence, en 1878, de Le Faure.


Le service de l'analytique. La manière dont fonctionne l'avancement dans le service du compte rendu analytique de la Chambre des députés offre un salutaire exemple de régularité et de justice. M. A. Claveau, chef adjoint, avait succédé à son chef, Maurel-Dupeyré ; M. Gaston Bergeret avait remplacé, d'une façon aussi normale, M. Claveau. M. Paulian remplace à son tour M. Bergeret.
À la place de M. Paulian est nommé chef adjoint M. Léon Guillet (...)
Nulle dérogation, comme on le voit, aux droits acquis, nulle faveur. La Chambre, qui réclame si souvent contre l'arbitraire de certaines nominations, constate certainement avec plaisir que, depuis quarante ans, ses présidents et son bureau ont suivi cette bonne règle. Ce n'est pas l'éminent secrétaire général de la Présidence de la Chambre des députés, M. Eugène Pierre, qui les en eût dissuadés. Elle a donné de trop excellents résultats. (Le Figaro du 30 novembre 1910).

 

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Revue illustrée du 15 décembre 1893


27. Louis PAULIAN

Louis Paulian(Nice, 1847- Dieulefit, 1933) a donc pris le relais de Bergeret comme chef du service. Jean Pouillon aimait raconter comment, déguisé en mendiant et de faction à la porte d'un théâtre, Paulian, tendant déjà la main, ouvrit un jour par mégarde la portière du président de la Chambre des députés, qui s'étouffa : « Vous, monsieur le directeur ?! ».
Gendre de Frédéric Passy, il entre en 1871 au secrétariat général de la questure et, en avril 1873, au compte rendu analytique, d'abord comme secrétaire-rédacteur adjoint, puis (février 1876) comme titulaire. Chef en 1911, il prendra sa retraite en janvier 1918. Mais il est avant tout connu comme spécialiste des prisons et de la mendicité : voir Olivier Vernier, Des vagabonds aux SDF, pages 161-171.
Secrétaire du Conseil supérieur des prisons, membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires.

« M. Louis Paulian occupe une place spéciale dans le monde de la Philanthropie. C'est avant tout un homme qui aime à connaître à fond les choses dont il parle. Venu à Paris, vers l'âge de vingt ans pour y faire son Droit, il s'est bien vite senti entraîné vers l'étude des questions sociales et de l'économie politique. Après avoir lu un grand nombre d'ouvrages spéciaux sur ces matières, il se dit que le seul moyen de se faire une idée exacte des classes dont il voulait étudier les moeurs, les aspirations et les besoins, c'était de vivre de la vie que menaient les malheureux qu'il voulait connaître. C'est ainsi qu'il s'est fait chiffonnier pour étudier les moeurs des chiffonniers pour lesquels il a toujours eu un faible spécial et dont il a, en toute circonstance, et notamment dans son livre La Hotte du Chiffonnier (1885), défendu et la réputation et les intérêts.
Les prisons n'ont aucun secret pour M. Paulian, qui non seulement connaît la plupart des établissements pénitentiaires de la France, de la Belgique, de la Hollande et de l'Italie, mais qui encore n'a pas hésité à voyager dans le panier à salade et à se faire enfermer en cellule pour se rendre compte de la vie du prisonnier et des améliorations qu'on pouvait apporter à ces différents établissements. C'est lui qui a été Rapporteur, devant le Conseil supérieur, du projet qui a abouti à la démolition de Mazas, de la Roquette et de Sainte-Pélagie et à la construction de la maison pénitentiaire de Fresnes qui est le plus bel établissement de ce genre qui existe en France et qui fait le plus grand honneur à son architecte M. Poussin.
Dans tous les Congrès pénitentiaires, M. Paulian a soutenu quelque question intéressante. En 1890, au Congrès de Saint-Pétersbourg, il proposait l'oeuvre de la Bibliothèque pénitentiaire internationale. En 1895, au Congrès de Paris, il fut chargé de la question bien délicate des moyens de prévenir la Prostitution des mineures. En 1898, au Congrès d'Anvers, il présentait et faisait adopter un mémoire sur la question suivante : "Peut-on sans cruauté interdire absolument la mendicité ?" La question de la mendicité est le grand cheval de bataille de M. Paulian. Nul mieux que lui ne connaît les souffrances des vrais pauvres et les fraudes des faux pauvres. Ici encore M. Paulian a eu recours à la méthode expérimentale. L'étude qu'il a publiée dans le journal Le Temps et son livre : Paris qui mendie, ont opéré une véritable révolution dans les façons de faire la charité. Le premier, M. Paulian a eu le courage d'attaquer notre code pénal, si dur et si injuste pour les malheureux, si faible, si impuissant lorsqu'il s'agit de punir de faux malheureux. Il a soutenu le droit pour chaque citoyen de tendre la main et de demander, en cas de besoin, aide et assistance à la société. Mais il a bien établi que, pour faire appel à la charité, il faut être dans le besoin et dans l'impossibilité de gagner son pain. Aussi, comme conséquence de cette théorie. M. Paulian propose-t-il de remplacer autant que possible l'aumône par le travail et de frapper sévèrement le faux pauvre. La campagne qu'il a entreprise et qu'il a énergiquement menée par sa plume et par sa parole a abouti à la création de nombreuses oeuvres d'assistance par le travail.
M. Paulian, après avoir, par des expériences curieuses et personnelles, démontré les fraudes considérables qui sont commises journellement par des gens qui n'ont du malheureux que l'apparence, a proposé tout un système de contrôle destiné à empêcher les doubles et les triples emplois en matière de charité. Au Congrès international d'assistance et de bienfaisance qui a été tenu en 1900 à Paris, sous la présidence de M. Casimir-Périer, M. Paulian a exposé son système de Création d'une Caisse centrale et d'un Hôtel central des oeuvres d'assistance publiques et privées. Depuis cette époque l'idée a fait son chemin ; l'Assistance publique et les sociétés privées se mettent d'accord pour exercer un contrôle sur leurs actes de charité. » (Dictionnaire biographique international des écrivains, de Henry Carnoy, 1902, dont est tiré le portrait).

Les expéditions de Paulian semblent avoir fourni un marronnier à la presse - en tout cas au Gaulois. Le 14 juin 1891, celui-ci publiait sous la signature "Tout-Paris" (un pseudonyme collectif) un article intitulé "Un faux mendiant" :

« Le faux mendiant, c'est M. Louis Paulian, secrétaire-rédacteur à la Chambre et chevalier de la Légion d'honneur.
La position qu'il occupe est des plus enviées, car, en dehors des séances qui, parfois orageuses, donnent une besogne difficile aux secrétaires-rédacteurs attablés devant la tribune, elle laisse assez de loisirs à ces honorables fonctionnaires pour qu'ils puissent se livrer à d'autres travaux plus littéraires. Les uns collaborent à différents journaux, d'autres font des romans ou des pièces de théâtre ; M. Paulian, qui est un érudit, étudie sur le vif le roman et le théâtre de la mendicité et nous donne les dessous de cette comédie.
M. Paulian est bien de sa personne : une large barbe d'un blond roux encadre sa figure. On se demande comment il a pu se déguiser en misérable, au point de tromper les âmes charitables ; il y a cependant très bien réussi, si bien même qu'une fois il a été arrêté par un agent de police, sous le porche de Saint-Germain-des-Prés, un dimanche matin qu'il avait déjà, en moins d'un quart d'heure, reçu treize sous.
- Que voulez-vous, lui a dit le sergent de ville, après avoir constaté son identité et ses passeports spéciaux, monsieur marquait trop mal ; il avait l'air d'un bandit.
Ce fait n'est-il pas la meilleure démonstration de la facilité qu'ont les naturels bandits à tromper le public ?
L'Illustration, qui met tant de soin à satisfaire ses lecteurs, nous donnait, hier, le portrait de M. Paulian à son bureau à côté de M. Paulian en joueur d'orgue. Vraiment la transformation est si complète qu'on peut se demander si c'est bien le même homme.
Nous avons rendu visite à M. Paulian, et il nous a raconté lui-même son odyssée.
Bien entendu, pour ses pérégrinations dans la basse pègre, il s'était muni de tous les papiers nécessaires et de tous les passeports en règle délivrés par la préfecture de police.
Il y a douze ans qu'il a commencé ce métier, il l'a continué à intervalles inégaux, traversant ou côtoyant toutes les spécialités de la tartuferie mendicale.
- Montrez-moi un mendiant, dit-il, et je vous dirai à quelle école il appartient... »
Et le journaliste d'énumérer : des écoles de chant, l'école des mendiants d'hôpital - qui revendent bas à varices ou linceuls fournis gratis -, ceux qui exhibent des enfants ou une infirmité, ceux qui exploitent un "poste" dans telle rue, ceux qui font le tour des diverses églises ou des oeuvres de charité. La conclusion - est-elle bien fidèle à la pensée de Paulian ? - est "tapée" : « M. Paulian ne demande pas la centralisation des oeuvres ; mais il est, avec raison, de ceux qui veulent l'aumône par le travail.
C'et ça qui éloigne les faux pauvres. »

Le très légitimiste comte Othenin d'Haussonville, neveu du duc de Broglie et autre spécialiste des prisons et de la misère à Paris, accompagnait parfois Paulian dans ses expéditions [Le Gaulois du 10 septembre 1887]. Voici ce qu'il écrit en 1894 dans la Revue des deux mondes, sous le titre "L'assistance par le travail" :
Quelqu'un qu'il faut consulter à ce sujet [l'aumône], c'est M. Paulian, secrétaire rédacteur au Corps législatif, mais aussi à ses heures chiffonnier et mendiant, ce qui doit être parfois plus intéressant. Lorsque M. Paulian préparait son premier volume d'études sociales : la Hotte du chiffonnier, j'ai eu le plaisir de chiffonner en sa compagnie, mais je n'ai jamais mendié, et je le regrette, car il a fait des expériences bien curieuses. Tour à tour cul-de-jatte, aveugle, chanteur ambulant, ouvreur de portières, ouvrier sans travail, professeur sans emploi, paralytique, sourd-muet, etc., M. Paulian est arrivé à se faire des journées d'une quinzaine de francs, et il a démontré en même temps, ce qui était son but, combien il est facile d'exploiter à Paris le bon coeur et la crédulité du public.
A ce point de vue, le livre de M. Paulian fait honneur aux Parisiens, et comme Parisien je suis tenté de lui en savoir gré. Mais, si j'étais mendiant, je lui en voudrais beaucoup, car il fait grand tort à cette corporation. Il dénonce en effet tous les ingénieux procédés, oserai-je dire les trucs des mendiants, pour vivre, sans rien faire, aux dépens du public, soit en demandant purement et simplement l'aumône dans la rue, soit en pratiquant le système plus ingénieux et plus relevé de la mendicité par lettres. »

Les prisons d'Italie (1873) ; La poste aux lettres (1881) ; La hotte du chiffonnier (1885, réédité par Hachette, 1890) ; Paris qui mendie, les vrais et les faux pauvres, mal et remède (Ollendorf, 1893 ; couronné par l'Académie, traduit en anglais, en russe, en néerlandais...) ; "La prison de Fresnes-lès-Rungis", in Le Monde moderne, 1900, IX, p. 661-668. Et, en 1902, il publie dans Minerva n° 1 un article d'une vingtaine de pages : "La Chambre des Députés, anecdotes et souvenirs d'un secrétaire-rédacteur".

le compte rendu sous Paulian

28. Eugène PIERRE

Eugène Pierre 1897« Fut élevé, en 1884, aux fonctions importantes de secrétaire général de la présidence de la Chambre des députés. Sa connaissance parfaite de la jurisprudence parlementaire, branche du droit constitutionnel qui, avant lui, était à peu près ignorée en France, et qu'il a vulgarisée en des ouvrages très clairs, quoique fortement documentés, ses qualités de tact, son infatigable activité, lui ont valu, dans les milieux politiques, une influence et une autorité considérables » (Une encyclopédie)

(Paris, 1848-1925) Né « dans une maison voisine du Palais-Bourbon, où il devait passer toute sa vie. Fils d'un fonctionnaire de l'Assemblée nationale, il fit de fortes études [au lycée Saint-Louis]. Il se destinait à l'École normale, mais la mort de son père l'obligea à abandonner ses projets. Il étudia le droit, entra, comme attaché, à la présidence de la Chambre, passa avec succès le concours des secrétaires-rédacteurs... » (Grande Encyclopédie). Selon Vapereau, il aurait été attaché à la présidence du Corps législatif en 1866 (à 18 ans) ; il devint secrétaire-rédacteur en février 1876 ; chargé du service des travaux législatifs en 1879 ; secrétaire général en 1885 – jusqu'à sa mort en 1925.
Il « a collaboré aux principales publications de droit constitutionnel ou parlementaire de M. Jules Poudra, son prédécesseur au secrétariat général de la présidence de la Chambre, mort en 1884, notamment aux suivantes :
Traité pratique de droit parlementaire ([1re édition en 1875, 2e en] 1879 ; supplément, 1880) ;
Organisation des pouvoirs publics, recueil des lois constitutionnelles, électorales, etc. (1881 ; nouvelle édition en 1889) ;
Code-manuel du conseiller général d'arrondissement (1880).
Il a publié seul :
Histoire des assemblées politiques en France, depuis le 5 mai 1789 (1877, t. I)
Lois organiques concernant l'élection des députés, la liberté de la presse et le droit de réunion, avec notes (1885)
De la procédure parlementaire, étude sur le mécanisme intérieur du pouvoir législatif (1887)
Traité de droit politique, électoral et parlementaire (1893). »
À cette liste dressée par Vapereau en 1895, on peut ajouter : Les nouveaux conseils de l'enseignement (1880), Du pouvoir législatif en cas de guerre (1890), Les nouveaux tarifs de douane et La réforme des frais de justice (1892), Organisation des pouvoirs publics : politique et gouvernement (1897), etc. L'oeuvre de Pierre la plus connue étant bien évidemment le Traité de droit politique, électoral et parlementaire « qui fut édité de nombreuses fois à partir de 1894 et qui exigea rapidement la publication d'un supplément (il y eut six rééditions du Traité et cinq de son Supplément, les dernières datant de 1924 et 1925) », précise Pierre Favre [in "La constitution d'une science du politique", Revue française de science politique, vol. 33, 1983, pp. 214-215].

On consultera avec fruit la page qui lui est consacrée sur le site de l'Assemblée.

« M. Eugène Pierre, secrétaire général de la Chambre, a succombé, hier matin, vers 10 heures, des suites d'une crise d'urémie. Le défunt, qui était veuf depuis vingt-cinq ans, et n'avait pas d'enfant, ne laisse aucune parenté immédiate. (...) Les obsèques auront lieu après-demain vendredi à l'église Sainte-Clotilde.
M. Eugène Pierre est décédé dans son appartement privé du Palais-Bourbon, son corps sera transporté dans le cabinet de travail du secrétariat de la Chambre, qui sera transformé en chapelle ardente.
La désignation du successeur de M. Eugène Pierre n'aura lieu officiellement qu'après les obsèques mais d'ores et déjà le choix du bureau de la Chambre s'est porté sur M. Carrier, chef des secrétaires-rédacteurs. Cette nomination était, dès hier, très favorablement accueillie dans les milieux parlementaires. »

Eugene PIERRE« M. Eugène Pierre, secrétaire général de la présidence de la Chambre, expira hier matin.
Rappeler les mérites si rares d'un tel fonctionnaire serait encore trop peu. Il faudra, quelque jour, mesurer l'importance de sa personnalité à l'influence qu'elle exerça sur le parlementarisme français. Dès à présent, la mort de ce gardien des usages et interprète des textes législatifs est une petite révolution.
Quand il passait courbé, vêtu de noir, le front lourd, la serviette au côté, suivant le Président ou le vice-président de service, entre les gardes qui faisaient la haie, dans le bruit des tambours, on imaginait tantôt la Sagesse surveillant l'Imprudence et tantôt le Châtiment attaché aux pas de l'Ambition. C'était une grande leçon de morale que recevaient ainsi, par hasard, les visiteurs de la Salle des Pas-Perdus, attachés, sous-préfets, journalistes, électeurs. En séance, là-haut, derrière le fauteuil présidentiel, il semblait ne rien voir ni entendre mais, dès qu'un tumulte éclatait, sa silhouette apparaissait, debout, sur le bord du gouffre, auprès de son chef, comme une victime et une menace. Aussitôt, le Président devenait méchant ou cherchait son chapeau.
Le “coup du chapeau”, merveille réglementaire qui suspend le pouvoir législatif par la magie d'un geste discourtois, M. Pierre regretta peut-être toute sa vie de ne pas l'avoir inventé.
Il incarnait la seule puissance qui demeure respectée des foules : le Règlement.
En démocratie, l'autorité c'est le Règlement, et la liberté c'est encore le Règlement. Ainsi M. Pierre passa pour un excellent homme, pour un tyran et pour un ferme républicain, parce qu'il était le Règlement, l'origine, la fin et la justification de tout, même du temps perdu.
Ayant renversé le pouvoir personnel, nous vivons sous le règne du texte. Mais la Loi n'est rien à côté du Règlement. M. Pierre le constata pendant cinquante ans, puisqu'un simple paragraphe de “son” règlement lui permettait d'accomplir des choses incroyables : fermer la bouche aux législateurs ou les mettre à la porte. On comprend cette sorte d'ivresse close qui le garda de toute autre ambition et le soutint jusqu'à l'extrême vieillesse dans une atmosphère peu recommandable.
Si la loi n'existe que par le règlement, le règlement n'agit que par l'interprétation qu'on en donne et l'application qu'on en fait. Maître d'une liturgie complexe dont personne n'eût osé contester le principe M. Pierre pouvait contempler avec dédain l'agitation des législatures éphémères.
Sa méthode et sa minutie étaient capables, à force de prévision, d'emprisonner jusqu'à l'avenir. Mais sa faiblesse, bien excusable, fut de ne pas sentir que tout vieillit, même les “cas à prévoir”. Il laissa le Parlement s'empêtrer dans des rites désuets, que devaient fatalement déborder l'anarchie des esprits et la nouveauté des problèmes. » (Lucien Romier, Figaro du 8 juillet 1925).

« Pour des raisons mal définies, Eugène Pierre passe encore, dans le monde parlementaire, pour une espèce de génie irremplaçable. En réalité, c'est Eugène Pierre - et la postérité ratifiera la véracité de cette constatation dénuée de toute malveillance (amicus Plato, sed magis... etc.) - qui est l'une des causes, sinon l'unique cause, de la désaffection dont se plaint le parlement. C'est à lui que nous devons ce règlement désuet, ces mille chausse-trapes, complications, dédales, pièges, lacets dans lesquels, encore aujourd'hui, s'empêtrent nos malheureux législateurs. C'est à lui que nous devons cette espèce de monstre barbare et protéiforme qui s'appelle le "précédent". Eugène Pierre avait passé son existence à perpétrer un énorme bouquin en six ou sept volumes, tous in octavo, qui ne prétendait à rien moins qu'à codifier toute la matière législative et qu'il avait, à cette fin, modestement intitulé Traité de droit politique et parlementaire. Dans cette indigeste compilation, qu'il polissait et repolissait chaque année, il était parvenu à réaliser cette formidable gageure de “codifier le précédent”.
Eugène Pierre n'avait-il pas aussi, un beau jour, imaginé le "procès-verbal inaltérable" ? Ne s'était-il pas avisé de faire recopier ce compte rendu à la main, par un calligraphe, sur un parchemin tellement parcheminé qu'aucune morsure du temps ne pût avoir d'action sur lui ? Seulement, comme l'encre prend difficilement sur un support de ce genre, il fallait au copiste un mois environ pour reproduire en ronde et en bâtarde une séance de sept ou huit pages à l'Officiel, ce qui est un minimum. De sorte qu'au moment où Eugène Pierre mourut, le travail n'en était encore qu'aux derniers jours du corps législatif. Un statisticien avait, calculé que de ce train il faudrait trois siècles au calligraphe, et encore sans manger, boire ni dormir, pour arriver jusqu'à 1900. Ai-je besoin d'ajouter que la jeune présidence d'aujourd'hui a, là aussi, fait passer un souffle purificateur et que le “procès-verbal inaltérable” a disparu ? On se contente de faire réimprimer la composition de l'Officiel sur un alfa suffisamment résistant pour que l'on soit sûr qu'il bravera les injures de la postérité la plus reculée. » (Le Quatrième Questeur, L'Illustration, juin 1932).

 

29. Amédée LE FAURE

Amédée LE FAURE(1838-1881) est le second secrétaire-rédacteur passé ensuite de l'autre côté de la barrière. Il suivit la guerre de 1870-71 comme journaliste pour La France, ce dont il tira une Histoire de la guerre franco-allemande en quatre volumes, avec portraits, cartes, etc. (1878). Secrétaire-rédacteur en mars 1876, il fut élu député de la Creuse (Aubusson) en 1879 et réélu en 1881. "Il siégeait à l'Union républicaine et s'était fait une spécialité des questions militaires".
Il a dirigé la publication d'un Dictionnaire militaire et écrit : Aux avant-postes ; Atlas de la guerre de 1870-71 ; Procès du maréchal Bazaine ; Les lois militaires de la France, commentées et annotées ; La guerre d'Orient, 1876-77...
Alors qu'on le voyait bientôt ministre de la guerre, il mourut d'un accès de malaria après un voyage en Tunisie.

 


30. Léon GUILLET

Léon Guillet(Nantes, 1846 - février 1918), fils de confiseur. Il entre au compte rendu en mai 1879, à la faveur du concours organisé pour remplacer Le Faure. Il devient directeur adjoint en 1910, puis succède à Paulian comme « chef de ce personnel d'élite » qu'étaient les secrétaires-rédacteurs (selon les termes du Figaro et du Gaulois) quelques jours seulement avant sa mort - à 71 ans !
En 1910, le Figaro en parle comme « ayant autrefois rendu compte des séances [de la Chambre] dans un journal de Paris » et « actuellement » doyen des journalistes parlementaires et latiniste distingué. En 1918, le même journal indique qu'il aurait débuté dans le journalisme « il y a près de cinquante ans » et poursuivi cette carrière tout en travaillant à la Chambre, mais il semble qu'il n'ait plus rédigé que la chronique hippique du Temps, journal républicain conservateur.

Cependant, Guillet est plutôt un vétéran de la presse de centre gauche. En 1869-1870, il avait collaboré au Rappel du clan Hugo, ainsi qu'à la Presse libre de Malespine, devenue La Réforme en mai 1869, où il rédigeait un "carnet parisien" et côtoyait de futurs Communards. Après la guerre, on le retrouve au Gaulois de Tarbé, qu'il quitte en mai 1871 en même temps que Francisque Sarcey, et au Charivari auquel il donne des chroniques rimées à la manière d'Armand Gouzien en 1870-1873. En 1872, en collaboration avec Robert Delizy, il tient également un "carnet parisien" à L'Événement d'Edmond Magnier, où se rencontraient Halévy et Alphonse Daudet. Il semble n'avoir commencé à tenir la chronique parlementaire qu'en entrant au XIXe siècle de Gustave Chadeuil, journal orléaniste soutenant Thiers, en 1871-72. Dans les années 1874-77, il est rédacteur (et même secrétaire de rédaction) du Courrier de France de Guyot-Montpayroux, un journal de centre gauche, avant de passer à La Presse rachetée par l'industriel Hubert Débrousse (qui avait fondé le Courrier de France) et où sa présence est attestée en 1878. Son orientation politique est encore confirmée par le rôle de secrétaire qu'il aurait tenu à partir de 1873 et pendant plus de trente ans auprès du député de l'Orne Jules Gévelot - également maire de Conflans et industriel de la cartouche.

En 1869, Guillet aurait travaillé avec Edmond Bazire à une comédie en trois actes, Un homme, pour le Vaudeville et aurait eu dans ses cartons une courte pièce, Heureux en amour. Lorsque Paul Bosq (voir supra) le dit « passé maître dans l'art des quatrains », il pense certainement à ses chroniques rimées mais on trouve ici ou là des allusions à des poèmes de circonstance, lus lors de cérémonies à Domfront ou de réunions de l'association des anciens élèves du lycée de Nantes ; d'autres ou les mêmes sont cités dans la Bretagne artistique et littéraire en 1885, 1886, 1905, mais on s'abstiendra de reproduire son « Effet de neige », paru en 1888 dans la Revue illustrée de Bretagne et d'Anjou. En 1923, ses oeuvres poétiques posthumes ont été publiées sous le titre Les deux sources (En revanche, « Allez, les enfants... et vous serez des chefs », que lui attribue le catalogue de la BNF, est de son homonyme, directeur de l'École centrale).

 

En février 1880, le Bureau de la Chambre « a nommé secrétaire-rédacteur M. Bourdon, ancien procureur de la République à Lille, et a désigné M. Jules Clère pour remplir la première vacance qui se produira dans ce service. »Le troisième au concours étant Jules Dalsème, « rédacteur du Petit Journal ».

31. Georges BOURDON(-VIANE)

(1840-1905) Entré en mars 1880, il partit en 1900. Procureur impérial à Saint-Omer en 1870, il avait été nommé à Lille après le Quatre-Septembre... et révoqué en mars 1871 par M. Dufaure et dû subir diverses tracasseries – il est vrai qu'il appartenait, comme Géry Legrand et Bergeret, au groupe du Progrès du Nord. Bourdon se fit alors inscrire au tableau des avocats. Docteur en droit, "professeur libre", auteur d'un Manuel élémentaire de droit international privé (1883) et de divers autres manuels de droit. C'est lui qui a préparé Mlle Bilcesco, une Roumaine, au doctorat en droit, qu'elle fut la première femme à obtenir en France (1890) mais il a aussi été condamné en 1893 pour avoir reproduit et publié sous son nom des cours d'Adhémar Esmein. A tenu la chronique parlementaire au Temps. A également collaboré au Figaro, où un de ses articles lui valut en 1901 d'être boxé par Francis de Croisset. Mort à 67 ans d'une attaque de goutte.


32. Jules CLÈRE

CLERE(Paris, 1850-1934), publiciste. Après le lycée Henri-IV et des études de droit, débuta au Courrier de Paris par des articles de critique littéraire sous le nom de Jules Rècle. Il appartint successivement à La Réforme, au Courrier français de Vermorel, à la Revue de la Décentralisation, etc. avant d'entrer en 1871 au National dont il fut pendant des années le collaborateur quotidien. A écrit Les hommes de la Commune, biographie complète de tous ses membres (Dentu, 1871) ; Histoire du suffrage universel (1873) ; Étude historique sur l'arbitrage international (1874) ; Le Congrès de Bruxelles (1874) ; Biographie des députés (1875 ; 1877) ; Biographie complète des sénateurs (1876) ; Les tarifs des douanes, tableaux comparatifs (1880). Avant de devenir secrétaire-rédacteur en janvier 1881, il a été secrétaire des commissions parlementaires des traités de commerce et du tarif général des douanes, et secrétaire adjoint de l'Institut de droit international aux sessions de Paris et de Bruxelles (1878 et 1879). Hors cadres en 1901, secrétaire-rédacteur honoraire en 1911, il a vraisemblablement pris sa retraite en 1910, à soixante ans. Considéré comme spécialiste de questions de droit international et d'économie politique, il a été ensuite vice-président de la Société des gens de lettres et membre très actif de son comité pendant dix-huit ans, se faisant le défenseur du domaine public payant.

 

 

33. Jules DALSÈME

(Nice, 1845-1904). Polytechnique (1865), puis École d'application de Metz. Donne sa démission de sous-lieutenant en 1869 pour entrer dans le professorat : enseigne les mathématiques à l'école normale d'instituteurs de la Seine. Écrit plusieurs ouvrages en collaboration avec son frère aîné Achille : Les mystères de l'Internationale, son origine, ses buts, ses chefs (1871) ; Paris pendant le siège et la Commune (1871) ; Histoire des conspirations sous la Commune (1872) – tous deux appartiennent à la rédaction du Petit Journal. Seul, il publie plusieurs ouvrages élémentaires sur la géométrie, l'algèbre et la tachymétrie (géométrie intuitive !). En 1882, donne La monnaie, histoire de l'or, de l'argent et du papier ; en 1883, L'art de la guerre, simples notions et Le baillon. Entre au compte rendu en mars 1883 et y reste jusqu'à sa mort. A tenu pendant quelque vingt ans la chronique parlementaire du Petit Journal, utilisant parfois le pseudonyme collectif des rédacteurs, Thomas Grimm ; il en aurait démissionné au moment du boulangisme. Également ancien rédacteur du Temps. Bergeret insista lors de ses obsèques sur sa réserve. (Sources : Vapereau, 1893 ; Polybiblion, Le Temps et L'Univers israélite, 1904).

 

34. Jean-Baptiste MISPOULET

(Montpezat, 1849 - Paris, 1917), docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris, chargé de cours à la faculté des lettres de Paris. Le régime des mines à l'époque romaine, Le mariage des soldats romains, Les institutions politiques des Romains (2 vol., 1883), La vie parlementaire à Rome sous la République, essai de reconstitution des séances historiques du sénat romain (1899). Entre au compte rendu en février 1885.

« Doyen des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des Députés, J.-B. Mispoulet est mort à Paris au mois de mai 1917. Élève de Léon Renier au Collège de France et d'E. Desjardins à l'École des Hautes-Études (1876-1878), il avait préparé, avec R. de la Blanchère et l'abbé Thèdenat, un Manuel d'Épigraphie romaine, d'après les cours de Léon Renier et de Desjardins. M. Châtelain veut bien m'apprendre que dans ce Manuel, resté inédit, le chapitre IV : “Pouvoirs de l'Empereur, carrières sénatoriale et équestre”, était l'oeuvre propre de Mispoulet. En 1882-3, Mispoulet publia en deux volumes Les Institutions politiques des Romains, ouvrage très sérieux, fondé en partie sur des recherches personnelles et qui a rendu de très bons services ; il est depuis longtemps épuisé. Jusqu'à la fin de sa vie, Mispoulet ne cessa pas d'écrire des mémoires sur l'épigraphie et les antiquités romaines; il était particulièrement compétent sur l'archéologie militaire (voir la Revue de Philologie, les Comptes rendus de l'Académie des inscriptions, etc.). Modeste autant que laborieux, il ne rechercha ni distinctions, ni places. De 1883 à 1889, il fit, à la Sorbonne, un cours libre sur les institutions romaines ; de 1904 à 1908, il donna à l'École des Hautes-Études une conférence supplémentaire (et gratuite) sur les institutions et l'épigraphie du IVe siècle. Parmi ses auditeurs, pour la plupart des étudiants en droit, figura un jeune homme dont les études romaines attendent beaucoup, M. Piganiol.
Mispoulet qui manquait de qualités brillantes, joignait à une science solide beaucoup de bonté. Personne n'a fait appel en vain à son érudition et à sa complaisance ; sa mort a contristé de nombreux amis qui, presque tous, étaient devenus ses obligés. » (S. R., Revue archéologique, 1917, p. 353)


La Société archéologique du Tarn-et-Garonne publia la nécrologie suivante :
« M. le chanoine Galabert a adressé la note suivante sur la vie et les travaux de ce savant aussi modeste que laborieux : “Né à Montpezat le 15 avril 1849 ; après avoir fait ses études aux lycées de Montauban et de Cahors, il se rendit à Paris à dix-sept ans, et par ses travaux il put venir en aide à ses parents que le phylloxéra avait ruinés. Il s'engagea à l'armée de l'Est et y mérita la médaille militaire dont il était justement fier. Ayant conquis le doctorat en droit, le diplôme de l'École des Hautes-Etudes, il écrivit divers ouvrages et plusieurs mémoires qui lui valurent une grande notoriété dans le monde savant. En 1885 et les deux années suivantes, il fit à la Sorbonne un cours libre sur l'histoire et l'épigraphie romaines; il en fit un autre vers 1902.
Entré le 15 janvier 1885 à la Chambre des députés comme secrétaire-rédacteur, il remplit cette fonction pendant trente-deux ans, jusqu'à sa mort. À ce travail considérable et déjà absorbant il joignit le secrétariat de la Commission des chemins de fer, celui de la Commission d'enquête sur le canal de Panama. Pendant les quinze dernières années il rédigea pour le Journal Officiel les comptes rendus des Académies des Inscriptions et Belles-Lettres, des Sciences morales et politiques, ceux de l'Académie française et de l'Académie des Beaux-Arts. Au milieu de ces travaux absorbants il trouva le temps d'écrire, en 1882, Institutions politiques des Romains, qui lui valut le prix Kenigsmarter ; Manuel de droit romain, d'après Pellat, ouvrage très remarqué ; en avril 1899 il présenta à l'Académie française La vie parlementaire à Rome. Cet ouvrage, qui lui valut le prix Bordin, devait être complété par un volume intitulé Le IVe siècle, qui a été interrompu par la mort.
Ces travaux ne l'empêchèrent point d'écrire divers mémoires sur le mariage des soldats romains, sur les spurii, etc.; l'un d'eux fut récompensé par le prix du Budget. Il fit encore diverses communications, notamment sur l'Inscription de la plaque de bronze de Narbonne (maintenant transportée au Louvre) ; sur les Mines d'Alpustrel en Portugal ; sur un Diplôme de soldat romain ; sur une plaque de bois trouvée à Alexandrie, donnant congé à un légionnaire ; sur une pièce de monnaie absolument unique.
Un labeur incessant avait ébranlé la santé jadis brillante de M. Mispoulet ; sans autre avertissement préalable la mort est venue le surprendre à Paris le 15 mai dernier.” »


35. Paul SOUBEIRAN

(Avignon, 1843-1904) journaliste républicain (et libre-penseur), proche de Gambetta et de Louis Blanc, il collabora comme tel au Paris, à la République française, puis à L'Homme libre. Décoré de la Légion d'honneur en 1887, pour « 18 ans de services dans la presse » et « belle conduite pendant la guerre de 1870-71, 1 blessure. Titres exceptionnels. » Entré au compte rendu en février 1885 comme Mispoulet, il y resta également jusqu'à son décès.


36. Émile DERAINE

(Paris, 1848- Paris, 1920), fils de libraire. Est surtout spécialiste de l'histoire de Château-Thierry et donc de la biographie de La Fontaine et de son ménage : Au pays de Jean de La Fontaine (2 vol., 1909 et 1912). Vice-président très actif, quoique souvent retenu à Paris, de la société d'histoire locale, qu'il inonde de communications à partir de 1905.
Son dossier de la Légion d'honneur donne l'état de ses services : « 1885 : secrétaire adjoint des commissions de la Chambre des députés ; secrétaire-rédacteur stagiaire. 1890 : secrétaire-rédacteur ; secrétaire adjoint de la commission de l'armée. Délégué cantonal de la ville de Paris depuis 1877.
Services militaires : campagne de 1870 dans la mobile. [De 1876 à 1901], sous-lieutenant de réserve d'artillerie, puis de l'armée territoriale ; puis lieutenant et capitaine. 1892 : secrétaire général de la société de tir à canon de Paris (École d'instruction annexe du gouvernement militaire de Paris). » En fait, il serait devenu titulaire en juillet 1888 et aurait pris sa retraite en 1906.

 

37. Alphonse PAGÈS

(Paris, 1836-1894). Lorsqu'il meurt d'une embolie à 58 ans, on signale qu'il était secrétaire-rédacteur depuis huit ans. Il est en fait entré comme Deraine en juillet 1888, après trois ans comme commis du service des commissions, et est resté jusqu'à sa mort. Cependant, l'almanach de 1889 ne le mentionne pas...
 Après le collège Sainte-Barbe, commença des études d'ingénieur (École des Mines) qu'il abandonna pour le journalisme et la littérature. Il débuta au Causeur de Louis Jourdan [il y publie en 1860 un poème intitulé Le Progrès] et au Soleil de Jules Noriac; collabora successivement à l'Avenir national (Desonnax), à L'Homme libre (Louis Blanc), aux Nouvelles de Paris, au Globe, etc., et enfin au National où il rédigea, à partir de 1878, la chronique judiciaire.
Pendant le Siège, a fondé et animé presque à lui seul un quotidien à cinq centimes, La Populace, devenu La France nouvelle, « dont le titre a été repris depuis par le parti clérical ».

Gendre du directeur de l'Odéon Charles La Rounat, il est auteur de pièces de théâtre (Molière à Pézenas, comédie en un acte et en vers, Odéon, 1867 ; La citerne des Feuillants, drame en cinq actes joué en 1868 au théâtre Beaumarchais ; La dernière leçon (1868, avec son frère Abel qui signe Henri Hazart) ; L'honneur du nom, drame en deux époques et dix tableaux, d'après Monsieur Lecoq et en collaboration avec Gaboriau, 1869 ; Colombine, avocat pour et contre, comédie en un acte, en vers), et de traductions de Poe (Le Scarabée d'or), de Kotzebue (Misanthropie et Repentir, 1858 ?, joué en 1863 à l'Odéon) et du Norvégien Björnson (Synnövé Solbakken, 1868, avec F. Baetzmann). Vice-président de l'Association littéraire internationale.
Promoteur de l'enseignement populaire, il participe à l'entreprise de l'École du peuple (1860 à 1863) : on le décrit comme le "grand vicaire" du directeur, l'ouvrier tapissier Théodore Six. En 1868, fonde l'Écho de la Sorbonne, "moniteur de l'enseignement secondaire des jeunes filles", qu'il dirige pendant six ans, avec la librairie du même nom, en association avec sa mère (?), Mme Vve Boulanger. Donne des conférences, publie de nombreux livres dont : un Amadis de Gaule (Bibliothèque de Don Quichotte, 1868) ; un Balzac moraliste (1866) ; une anthologie des Grands poètes français (1873, rééd. 1882) ; Questions d'enseignement. Les écoles d'apprentis (1879).

Le Dictionnaire de Jules Lermina (1885) conclut ainsi sa notice : « Tout en étant revenu, par [s]es dernières productions, à la littérature d'imagination, que sa campagne en faveur de l'instruction laïque des jeunes filles lui avait fait abandonner depuis 1870, Alphonse Pagès ne délaisse pas la critique et l'histoire littéraires. Il écrit une grande Histoire illustrée de la littérature française sur un plan tout à fait nouveau et a réuni, en vue de cet ouvrage, une collection iconographique déjà considérable. » 
De la littérature populaire relevait peut-être déjà un Spartacus pour lequel Saint-Saëns écrivit une ouverture (1862). Les années 1880 semblent être en tout cas pour Pagès celles du roman-feuilleton, purement et simplement, avec des titres comme Grondache et Cie - articles de piété (1886) ; Le mystère de Mantes (1887) et Les victoires de l'amour (1888) – ces deux derniers avec son  frère Abel-Henry Hazart – ; L'homme aux 600 000 fr. (1889)...

Dans sa nécrologie (Le XIXe siècle du 20 décembre 1894), H. Fouquier insiste sur le républicanisme de Pagès.

 

38. Hippolyte LEMAIRE

(1849-1908) : « jeune professeur [de mathématiques, semble-t-il, et d'abord en province], très populaire au Quartier latin et très lié avec toute la colonie artistique de la rue Notre-Dame des Champs », écrit le Figaro en 1882 ; « gendre de feu M. de Bouteiller, dernier député de Metz au Corps législatif  ». Commence par écrire des nouvelles avant de se consacrer au théâtre. Avec Philippe de Rouvre, qui est déjà secrétaire-rédacteur au Sénat, il donne à l'Odéon, en 1882, une pièce en quatre actes, Le mariage d'André (mariage qui se serait révélé incestueux si la belle-mère n'avait, elle aussi, été infidèle ; la critique mit cette intrigue turpide sur le compte de la jeunesse). En 1888, succède à Monselet comme critique dramatique au Monde illustré. Devient secrétaire-rédacteur en mai 1895. Lecteur-examinateur à la Comédie française à partir de 1904, il collabore néanmoins aux Archives parlementaires. Meurt à 59 ans d'une crise de diabète, l'année où paraît L'eau qui dort.


39. Gaston BARBIER

(1866, La Ferté-Gaucher - 1921, Rumigny, Ardennes), arrivé en mai 1895 après huit ans au service des commissions, il finit chef du service (1919-1921). « Collaborateur assidu du Parlement et l'Opinion¸ secrétaire adjoint de plusieurs commissions de la Chambre des députés, notamment de la commission d'assistance et de prévoyance sociales », d'après la nécrologie du Figaro. Officier de la Légion d'honneur en 1919 au titre du ministère du travail. Voir aussi la nécro de Polybiblion, 1921, p. 142. A travaillé avec Louis Claveau aux Archives parlementaires.


40. Paul MERLIN

(1861-1931) était fils et frère de gouverneurs des colonies. Avocat à la cour d'appel. Secrétaire-rédacteur adjoint en mai 1895 comme Gaston Barbier. Deviendra chef adjoint. Le premier peut-être à prendre sa retraite à soixante ans, en décembre 1921. Lorsqu'il meurt à 70 ans, d'une mauvaise grippe, il n'était que rédacteur politique au Temps. « Dans le monde parlementaire, on appréciait hautement sa compétence, la sûreté de ses jugements et  sa courtoisie confraternelle » (Le Figaro). Ses collègues semblent avoir eu un autre avis : il est resté célèbre dans le service pour ses absences à répétition et Paulian, excédé, avait constitué un dossier de ses mots d'excuse, probablement avec l'idée de sévir. Mais peut-être était-il vraiment de santé fragile...


41. Louis CLAVEAU

(Paris, 1858-1933), fils d'Anatole. Commis au bureau de l'expédition des lois et des procès-verbaux à partir de 1884. nommé secrétaire-rédacteur le 1er janvier 1900. Collaborateur, puis un des "continuateurs" de Mavidal et Laurent (à partir du tome LXXII) pour la publication des Archives parlementaires. Secrétaire de la Société des études robespierristes. Prend sa retraite en octobre 1919.


42. Paul CARRIER

Carrier(Sedan, 1874-1948). Après Louis-le-Grand, licence de lettres et de langues vivantes à la Sorbonne. Passe le concours de secrétaire-rédacteur en 1902 tout en préparant l'agrégation d'allemand qu'il obtiendra ensuite. Secrétaire administratif de la commission de l'armée, il assiste Maurice Berteaux dans l'élaboration de la "loi des deux ans" (1905).
Succède en 1921 à Gaston Barbier, à la tête du CRA, et en octobre 1925 à Eugène Pierre, comme secrétaire général (de la présidence jusqu'en 1931, de la Chambre de 1931 à 1941).

 

 

 

 

André MESUREUR (1877-1964) a brièvement émargé à partir de mars 1903 – peut-être n'est-il pas allé au-delà de la période d'essai. C'était le fils de Gustave, premier président du parti radical socialiste... et vice-président de la Chambre jusqu'en 1902. André suivit son père à l'Assistance publique quand celui-ci en fut nommé directeur général, et fit là toute sa carrière, terminant comme receveur de l'AP.

 
43. Georges ROUSSEAU-DECELLE

(La Roche-sur-Yon, 1878-Préfailles, 1965). Après le lycée Henri-IV, fait son droit et Sciences-Po. Docteur en droit. Devient secrétaire-rédacteur en décembre 1903 et chef en 1921 – jusqu'en janvier 1943, officiellement. « Dans les années 40, fut même inspecteur des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Après la guerre, il reprit du service et créa le service du compte rendu analytique de la nouvelle Assemblée de l'Union française qui siégeait au château de Versailles. Il travailla également pour le Conseil économique ».
Il est surtout connu pour son exceptionnelle collection de papillons et pour ses articles dans la Revue d'ornithologie. Vice-président de la Société nationale d'acclimatation. Son frère René, peintre, est connu pour quelques toiles comme « Jaurès à la tribune » (Séance à la Chambre des députés)...


44. Henry DALSÈME

(1875-1965), fils de Jules. Licencié ès-sciences, il enseigna à partir de 1901 dans le primaire supérieur, puis fut reçu secrétaire-rédacteur en avril 1904. Secrétaire de la commission de l'administration générale. Journaliste à la Petite République. Bien qu'amputé en 1909 de l'avant-bras gauche, servira en 1914 aux étapes. Chef adjoint en 1925. À son départ à la retraite en 1941, il est nommé chef de service honoraire. Il dirigera après la guerre le secrétariat de la Commission de la Constitution et sera, de 1947 à 1951, chef adjoint du compte rendu analytique de l'Assemblée de l'Union française. Maire de Meudon (1912-1922, 1925-1929 et 1936-1940).


45. René MILLAUD

(1875-1960). Issu du remariage de la chanteuse Anna Judic avec Albert Millaud, ancien chroniqueur parlementaire du Figaro et librettiste d'Hervé (Mam'zlle Nitouche), d'Offenbach et de Lecocq. Il est donc le petit-fils de Moïse Millaud, fondateur du Petit Journal. Docteur en droit. Secrétaire-rédacteur de décembre 1904 à 1938. Ami d'Édouard Herriot, de Tristan Bernard, etc., il est membre de l'Académie des gastronomes (1932 : Le club des Cent ; histoire d'un club gastronomique) et de la société J.-K. Huysmans. Il est également amateur de photographie  (La Photographie, 1924) et à partir de 1907, il photographie les députés avec un appareil-espion fabriqué par Gaumont ; il aurait été le premier à utiliser un appareil 35 mm en 1905.
 MILLAUDPhotographié (debout, au centre) en 1907
avec Jules Renard, sa mère Anna Judic, et Mme Jules Renard


A publié, outre l'article cité plus haut (« Le laboratoire d'où sortent nos lois », Science et vie, juin 1914, p. 305 et sv.), La Chambre des députés, guide pratique des séances, 1933.

 

 

 


46. Pierre-Édouard WEBER

né à Bâle en 1871. Avocat à la Cour d'appel de Paris, de 1894 à 1906. Entre au compte rendu en février 1906. Y serait resté jusqu'en 1936. Spécialiste d'hygiène sociale (L'ouvrier stable et l'habitation ouvrière - en collab., 1897). Trésorier de la Ligue anti-allemande pendant la première Guerre mondiale.

 

47. Charles COLAS

(1879-?) Entre en juin 1909 après avoir été rédacteur au ministère des travaux publics. Licences de lettres et de droit. Publie en 1912 un Guide de l'électeur présentant la nouvelle loi électorale et a écrit au moins un article (sur "L'indemnité parlementaire"). Chef en 1943. Caporal en août 1914, il avait été fait prisonnier à Dixmude ; avant d'être rapatrié comme grand blessé en octobre 1917, il avait été interné en Suisse où il fut l'un des organisateurs du "Sanatorium des alliés".

 

48. Fernand GALMARD

(Mamers, Sarthe, 1863 - 1913). Professeur de philosophie et publiciste, il est nommé secrétaire-rédacteur en mars 1911 et meurt peu après.

 

49. Adrien PAULIAN

(1886-1967), fils de Louis Paulian. Docteur en droit, avec une thèse sur « La recognizance dans le droit anglais. Contribution à l'étude de la liberté individuelle » (1911), il traduisit aussi, de l'anglais, une Esquisse du droit criminel anglais (1921). Commis en 1907, il était attaché au secrétariat général en 1912. Devient secrétaire-rédacteur en mai 1913. Il dirigera le service sous la Quatrième République jusqu'en 1952 (voir Le dernier siècle).

 

50. Pierre (de) PRESSAC

La particule n'est pas d'origine ! (Bar-le-Duc, 1878-1955). Études de lettres et de droit. Archiviste-paléographe, il est archiviste de la Chambre à partir de 1904, et devient secrétaire-rédacteur en 1914, jusqu'en 1933. Secrétaire de la commission des mines et de la force motrice. En 1926, il entre au conseil municipal de Paris au titre du 3e arrondissement (Arts-et-Métiers), et en sera un temps vice-président – son mandat est prolongé en 1940. A adhéré au Rassemblement national populaire de Déat et collaboré à La Gerbe d'Alphonse de Châteaubriant.

Auteur de Les forces historiques de la France, La tradition dans l'orientation politique des provinces (1928), de Considérations sur la cuisine (1931) et de Bernadotte, un roi de Suède français (1942), ainsi que de brochures ( L'échiquier politique et parlementaire, 1930 ; À la recherche de l'argent perdu, 1936...).